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Production of spring bread wheat haploids using anther culture and wheat x maize crosses
Production de plantes haploïdes de blé tendre de printemps par culture d’anthères et par croisement blé x maïs
A. LTIFI*
A. OUESLATI
I. NEFZI
Laboratory of Biotechnology Applied to Agriculture, National Agricultural Research Institute of Tunisia (INRAT), University of Carthage, Tunisia
Abstract – This article aims to study the production of spring bread wheat haploids by microspore embryogenesis and wheat x maize hybridization technique using varieties cultivated in Tunisia. Ten bread wheat varieties were compared for haploid production by anther culture and wheat x maize hybridization techniques. The anther culture response varied with the genotype. Depending on the variety, the number of embryogenic anthers ranged from 0 to 3 per spike with a mean of 2. The number of embryo per spike ranged from 0 to 20 with a mean of 7.2. Furthermore, the plant regeneration from the cultured embryos varied with the variety. The cultured embryos produced both green and albino plantlets with arranged total number per spike recorded from 0 to 5.7 with a mean of 2.1. The majority of the varieties regenerated more albino than green plantlets, excepted the variety ‘Tahent’ which produced less albino plantlets than green plantlets. The wheat x maize hybridization method was highly effective in producing haploid plants in all ten varieties, although the number of green plantlets per spike depend on the variety. The percentage of seed set per spike ranged from 12.9 to 67.5 with a mean 30. The numbers of seeds and embryos per spike varied with the variety with a mean of 14.0 and 4.4 respectively. The number of plantlets per spike ranged from 0.3 to 2.6 with a mean of 1.0. The varieties recalcitrant to anther culture produced haploid plants with wheat x maize hybridization method. There was no evidence of albinism and all the produced plants were green. The wheat x maize hybridization method was more efficient than the anther culture technique for the haploid production in spring bread wheat.
Keywords: Bread wheat, in vitro androgenesis, embryo rescue, intergeneric crosses.
Résumé – Cet article traite la production d’haploïdes de blé tendre de printemps par embryogenèse gamétique et par croisement intergénérique blé x maïs. L’objectif de cette étude est de comparer l’efficacité de deux méthodes d’obtention d’haploïdes de blé tendre (androgenèse in vitro et croisement blé x maïs) en utilisant des variétés de printemps cultivées en Tunisie. Dix variétés ont été comparées de point de vue production de plantes haploïdes par culture d’anthères et par croisement blé x maïs. Les anthères ont été mises en culture quand les microspores étaient au stade uninucléé médian. Un milieu de culture unique (190-2) a été utilisé pour l’induction et la régénération de plantes. Une population locale de maïs a été utilisée comme pollinisateur des variétés de blé. Les embryons haploïdes ont été sauvés 16 jours après la pollinisation sur le milieu de culture B5. La réponse à l’androgenèse in vitro a été variable d’une variété à l’autre. Le nombre d’anthères embryogènes par épi a varié de 0 à 3 anthères suivant le génotype avec une moyenne de 2 anthères par épi. Le nombre d’embryons a oscillé entre 0 et 20 embryons par épi avec une moyenne générale de 7.2. Le nombre total de plantes vertes et albina a varié avec la variété avec une moyenne de 2.1 plantes par épi. La majeure partie des plantes régénérées ont été albina et le ratio plantes vertes par plantes albina a été inférieur à 1, à l’exception de la variété ‘Tahent’ dont le nombre de plantes vertes a excédé le nombre de plantes albina.Toutes les variétés ont donné des plantes haploïdes par la méthode de croisement blé x maïs. Le pourcentage moyen de nouaison a été de 30%. Le nombre moyen d’embryons a été de 4.4 embryons par épi et a été inférieur à celui obtenu par culture d’anthères. En moyenne une plante chlorophyllienne par épi pollinisé avec le maïs a été obtenue contre 0.3 plante par épi obtenue par culture d’anthères. Toutes les plantes produites par croisement blé x maïs ont été chlorophylliennes, alors que la majeure partie des plantes régénérées par culture d’anthères ont été albina. La méthode de croisement blé x maïs s’est révélée ainsi plus performante que la technique de culture d’anthères dans la production d’haploïdes de blé tendre de printemps.
Mots-clés : Blé tendre, androgenèse in vitro, sauvetage d’embryons, croisement intergénérique.
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Introduction
La méthode des haploïdes doublés permet de produire des lignées complètement homozygotes en une seule génération et rend, par conséquent, la sélection dans un programme d’amélioration plus rapide et plus efficace que les méthodes classiques d’amélioration telles que la sélection pedigree. Mise à part l’accélération des programmes de sélection variétale, l’utilisation des haploïdes doublés permet également d’établir des cartes génétiques, d’étudier l’hérédité des caractères génétiques et le génome des plantes ( Cornish et al. 2001; Falak et al.1999) . L’utilisation des haploïdes doublés dans les schémas d’amélioration des espèces cultivées représente une évolution méthodologique spectaculaire dans la sélection variétale.
Les haploïdes doublés de blé tendre peuvent être produits soit par culture d’anthères et de microspores (Foroughi-Wehr et Zeller 1990; Hu et Kasha 1999) soit par croisement intergénérique blé x maïs (Inagaki 2003; Amin et al. 2010). La technique de culture d’anthères a été suffisamment améliorée durant les 20 dernières années et a contribué avec succès à la sélection de nouvelles variétés dans plusieurs pays du monde. Les premières variétés développées par culture d’anthères ont été produites en Chine et en France (Hu et al. 1983; De Buyser et al. 1987). Malgré le succès qu’a connu la culture d’anthères et de microspores, l’utilisation de cette technique dans l’amélioration du blé tendre se heurte à certains obstacles. En effet, certains génotypes sont récalcitrants et ne répondent pas à la culture d’anthères (Foroughi-Wehr et Zeller 1990; Löschenberger et Heberle-Bors 1992). De plus, même les génotypes qui répondent à l’androgenèse in vitro peuvent régénérer des plantes albina qui sont déficientes en chlorophylle et non viables (Holme et al. 1999 ; Liu et al. 2002).
Dans la technique de croisement intergénérique blé x maïs, développée par Laurie et Bennett (1986), les chromosomes du maïs sont totalement éliminés juste après les premières divisions du zygote et ne restent que les 21 chromosomes du blé (Laurie et Bennett 1989). Le développement de l’embryon haploïde n’est pas accompagné par la formation d’albumen nourricier et par conséquent l’embryon dont la croissance est entravée dégénère (Zhang et al. 1996). Le traitement post pollinisation avec des substances de croissance permet de maintenir la croissance de l’embryon qui sera ultérieurement sauvé in vitro pour régénérer des plantes haploïdes. La méthode de croisement blé x maïs a été utilisée avec succès pour produire des haploïdes de blé tendre et de blé dur (Singh et al. 2004 ; Daniel et al. 2005; Ltifi et Saidani 2009). Cette méthode a prouvé son efficacité dans la production d’haploïdes et plusieurs variétés ont été produites avec cette technique dans plusieurs pays du monde, en particulier en France, Grande Bretagne et Allemagne (Devaux et Cistué, 2016). Toutefois, l’efficacité de la technique de croisement blé x maïs par rapport l’androgenèse in vitro demeure controversée. En effet, Oury et al. (1993) ont montré la supériorité de la culture d’anthères par rapport au croisement blé x maïs dans la production d’embryons et la régénération de plantules vertes. D’autres recherches ont indiqué que le croisement blé x maïs est plus avantageux que l’androgenèse en raison de sa simplicité, sa rapidité et son rendement en plantes haploïdes chlorophylliennes (Kisana et al. 1993; Sadasivaiah et al. 1999). Ces controverses concernant la comparaison des deux méthodes de production d’haploïdes sont dues, en partie, au fait qu’aussi bien le matériel génétique manipulé et les conditions de travail de laboratoire des équipes de recherche sont différents. La plupart des recherches sur les haploïdes dans le monde sont réalisées sur des blés d’hiver et peu d’investigations sont disponibles sur les blés de printemps. Ce travail se propose de comparer l’efficacité la production d’haploïdes par culture d’anthères et celle par croisement blé x maïs en utilisant du matériel génétique de printemps cultivé en Tunisie.
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Matériels et méthodes
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Matériel végétal
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Blé tendre. Dix variétés de blé tendre (Florence Aurore, Ariana66, Soltane72, Carthage74, Dougga74, Salambo80, Vaga92, Utique96, Haidra99 et Tahent) provenant du programme d’amélioration du blé tendre de l’INRAT ont été utilisées dans ce travail. Le pedigree de ces variétés est présenté dans le tableau 1. Le semis a été effectué au champ au mois de novembre à l’INRAT à Tunis. La fertilisation a consisté en l'apport de 67kg unités de P2O5 sous forme de triple superphosphate avant le semis et 80 unités d'azote sous forme de nitrate d'ammonium en deux apports égaux l'un à la levée et l'autre au tallage. Le désherbage a été effectué chimiquement au stade jeune plante.
Tableau 1 : Variétés de blé tendre utilisées pour l’androgenèse in vitro et les croisements blé x maïs
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Variété |
Pedigree |
Haidra Dogga Carthage Soltane Ariana Vaga Florence Aurore Utique Salambo Tahent |
Bow/Dga Klein Peliso/Rafaelle//2*8156-R Napo/Tobari//8156-R Sonora 64/Klein Pendidor Kenya 338/Etoile de Choisy 4777*2//FKN/GB54/3/VEE#5/4/BUC"S"/PVN"S" Florence x Aurore ND/VG9144//KAL/BB/3/YACO/4/VEE#5 Pato//Corre Caminos/Inia Attila/3/Hui/Carc//Chen/Chto/4/Attila
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Maïs. Une population locale de maïs récoltée dans la région de Béja au nord ouest de la Tunisie a été utilisée comme parent mâle. Le maïs a été semé sous serre en pots de 20 cm remplis de tourbe toutes les semaines à partir du mois de décembre jusqu’à janvier pour synchroniser l’épiaison du blé avec la floraison du maïs.
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Culture d’anthères
Stade de mise en culture. Le stade développement des microspores conditionne l'induction de l'androgenèse. Les épis contenant des microspores au stade uni nucléé médian à tardif ont été récoltés et mis dans des boites de pétri contenant 10 ml d’eau distillée pour éviter la dessiccation des anthères. Les boites de pétri sont stockées dans un réfrigérateur à 5°C pendant 2 semaines. Le stade uni nucléé médian à tardif a été vérifié par observation au microscope, après étalement des anthères entre lame et lamelle dans une goutte de carmin acétique.
Milieu de culture. Le milieu de culture 190-2 (Wang et Hu 1984) additionné de 1.5 mg/l de 2,4-D, 0.5mg/l de kinétine et 8 g/l d’agarose a été utilisé comme milieu d’induction de l’androgenèse. Environ 30 jours après la mise en culture des anthères, la régénération des structures embryogènes (cals et embryons) a été faite sur le même milieu 190-2 dépourvu de substances de croissance.
Mise en culture. Les épis contenant les microspores au stade uninucléé médian à tardif ont été aseptisés par trempage dans une solution d’hypochlorite de sodium à 12% de chlore actif pendant 8 minutes suivi de 3 rinçages à l’eau distillée stérile. Les anthères ont été repiquées sous hotte à flux laminaire dans des boites de Pétri en plastique de 9 cm de diamètre contenant le milieu d’induction 190-2.
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Croisement blé x maïs
Castration et pollinisation. La castration manuelle des épis de bé tendre a été faite juste à leur sortie de la gaine. Le tiers supérieur des épillets a été coupé aves des pinces fines et les anthères encore de couleur verte ont été extraites. Vingt quatre heures après la castration, les stigmates réceptifs ont été pollinisés avec du pollen de maïs fraichement récolté. La pollinisation a été faite entre 9 h et 10 h du matin.
Traitement post pollinisation. Le traitement des épis pollinisés avec une solution de substances de croissance contenant 100 mg/l de 2,4-D et 1% de Tween 20 a été effectué 24 h après la pollinisation. Le traitement a été appliqué par trempage des épis pollinisés dans la solution de 2,4-D.
Sauvetage des embryons. Les épis contenant les caryopses ont été récoltés 15 à 16 jours après la pollinisation. Les caryopses ont été aseptisés avec une solution d’hypochlorite de sodium à 2% pendant 15 mn, puis rincés 3 fois avec l’eau distillée stérile sous hotte à flux laminaire. Les embryons haploïdes ont été extraits dans des conditions aseptiques et cultivés dans des boites de Pétri de 100 mm x 15 mm contenant le milieu de culture de Gamborg B5 additionné de 30g/l saccharose et 8 g/l agarose. Les embryons ont été placés à l’obscurité pendant 4 à 6 semaines. Dès l’apparition des coléoptiles et des racines primaires (Figure 2), les embryons ont été transférés à la lumière dans un incubateur réglé à 25°C pendant 4 à 6 semaines avec une photopériode de 16 h jusqu'à ce qu’ils se développent en plantules vertes.
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Analyses statistiques
Un minimum de 5 épis par répétitions a été utilisé pour la culture d’anthères et le croisement blé x maïs. Trois répétitions ont été utilisées pour l’analyse de la variance génotypique aussi bien pour la culture d’anthères que pour le croisement blé x maïs. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du programme MSTAT-C (1990).
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Résultats
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Culture d’anthères
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Induction de l’androgenèse. Les premières divisions nucléaires des microspores ont été observées après 4 jours de mise en culture des anthères sur le milieu d’induction 190-2 (Figure 1. a). Les divisions nucléaires se succèdent et aboutissent au bout de deux semaines à la formation de structures multicellulaires (Figure 1. C). Les embryons sont observés dans les fentes de déhiscence des anthères après 4 à 6 semaines de mise en culture (Figue 1. d). L’induction de l’androgenèse exprimée par le nombre d’embryons obtenus par épi a été variable d’une variété à une autre. En effet, le nombre d’embryons par épi le plus élevé a été observé chez les variétés ‘Carthage’ et ‘Soltane’ (Tableau 2). Par contre, les anthères des variétés ‘Dougga’, ‘Ariana’ et ‘Florence Aurore’ n’ont donné aucune structure embryogène. Ces variétés ne répondent pas à l’androgenèse sur le milieu d’induction 190-2 et sont considérées, par conséquent comme récalcitrantes. L’induction de l’androgenèse des variétés ‘Haidra’, ‘Vaga’, ‘Salambo’ et ‘Tahent’ a été intermédiaire, alors que celle de la variété ‘Utique’ a été faible.
Régénération de plantules. Le nombre total de plantes vertes et albina régénérées par épi a été variable d’une variété à l’autre. La meilleure régénération de plantules a été observée chez les variétés ‘Utique’, ‘Haidra’ et ‘Tahent’ (Tableau 2). La régénération a été faible chez les variétés ‘Carthage’, ‘Soltane’, ‘Vaga’ et ‘Salambo’. Le ratio (plantes vertes par plantes albina) a été inférieur à 1 chez la quasi-totalité des génotypes. L’albinisme a été prédominant chez les variétés expérimentées, à l’exception de la variété ‘Tahent’ dont le nombre de plantes chlorophylliennes régénérées excède celui de plantes albina.
Tableau 2. Effet du génotype sur la production d’haploïdes de blé tendre par culture d’anthères
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Génotype |
Nombre d’anthères embryogènes par épi |
Nombre Embryons par épi |
Nombre total de plantes/épi |
Ratio plantes vertes par plantes albina |
Haidra Dogga Carthage Soltane Ariana Vaga Florence Aurore Utique Salambo Tahent |
3.0 ± 0.4* 0.0 5.5 ± 0,6 4.0 ± 0.9 0.0 3.0 ± 0.5 0.0 0.5 ± 0.1 1.5 ± 0.2 2.0 ± 0.1 |
10.5 0.9 0.0 20.0 ± 1.2 15.5 ± 1.1 0.0 9.0 ± 1.3 0.0 2.0 ± 0.9 6.5 ± 1.2 8,0 ± 1.6 |
5.7±0.5 0.0 2.1±0.1 1.2±0.2 0.0 2.5±0.4 0.0 6.0±0.3 0.6±0.1 3.0±0.2 |
0.2 0.0 0.1 0.0 0.0 0.1 0.0 0.1 0.0 1.5 |
Moyenne générale |
2.0 |
7.2 |
2.1 |
0.2 |
* = écart type |
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Croisement blé x maïs
Taux de nouaison. Les taux moyens de nouaison des 10 variétés de blé tendre pollinisées avec le maïs sont présentés dans le tableau 3. Le meilleur taux de nouaison (67.5%) a été obtenu chez la variété ‘Dougga’. Les variétés ‘Carthage’ et ‘Soltane’ ont donné respectivement des pourcentages de nouaison de 41.1% et 43.7%. Les variétés ‘Tahent’ et ‘Haidra’ viennent en second ordre avec des taux de nouaison respectifs de 23.5% et 17.1%. Les autres variétés ont donné des taux de nouaison faibles.
Nombre d’embryons par épi. Les nombres de caryopses et d’embryons par épi ont varié considérablement d’une variété à une autre (Tableau 3). Ainsi, les variétés ‘Dougga’, ‘Carthage’ et ‘Haidra’ ont donné des embryons par épi allant de 5.3 à 13.6. Les variétés ‘Soltane’, ‘Vaga’ et ‘Utique’ ont donné des embryons haploïdes variant entre 3 et 4.3 embryons par épi, alors que les nombres d’embryons par épi obtenus chez les variétés ‘Ariana’, ‘Tahent’ et ‘Salambo’ ont été faibles. Le phénomène de polyembryonie a été observé dans certains caryopses qui peuvent renfermer 2 à 3 embryons (Figure 2).
Nombre de plantules par épi. La régénération des embryons haploïdes en plantules est présentée dans le tableau 3. Les variétés ‘Salambo’, ‘Soltane’, ‘Vaga’, ‘Haidra’ et ‘Dougga’ ont donné 1 à 2.6 plantules par épi pollinisé, alors que les variétés ‘Ariana’, ‘Carthage’, ‘Florence Aurore’, ‘Utique’ et ‘Tahent’ ont donné une faible reconversion d’embryons en plantules haploïdes variant entre 0.4 et 0.7 plantules par épi. Toutes les plantules régénérées ont été chlorophylliennes.
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Figure 1. Divisions des microspores de blé tendre et formation de structures embryogènes. a) microspore au stade uninucléé moyen, b) première division du noyau des microspores 4 jours après la mise en culture. c) divisions nucléaires successives dans une microspore après une semaine de mise en culture. d) Embryon obtenu au bout de 4 semaines de mise en culture, e) embryons formés dans une anthère après 4 à 6 semaines de mise en culture.
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Tableau 3 : Effet du génotype sur la production de plantes haploïdes par croisement blé x maïs.
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Génotypes |
% de nouaison |
Nombre de caryopses par épi |
Nombre d’embryons par épi |
Nombre de plantules par épi |
Haidra Dogga Carthage Soltane Ariana Vaga Florence Aurore Utique Salambo Tahent |
17.1 ± 0.9* 67.5 ± 1.4 41.1 ± 1.0 43.7 ± 1.1 12.9 ± 0.8 18.6 ± 0.9 12.7 ± 1.1 18.3 ± 1.2 13.1 ± 0,8 23.5 ± 1.4 |
15.0 ± 1.0 21.6 ± 1.5 10.3 ± 1.3 18.6 ± 1.2 10.6 ± 1.1 12.3 ± 1.0 11.0 ± 1.4 11.6 ± 1.3 10.6 ± 1.1 17.3 ± 1.6 |
5.3 ± 0.8 13.6 ± 1.5 7.0 ± 0.9 4.0 ± 0.5 2.6 ± 0.1 4.3 ± 0.4 1.3 ± 0.2 3.0 ± 0.3 0.6 ± 0.1 2.3 ± 0.2 |
1.0 ± 0.1 1.0 ± 0.2 0.7 ± 0.1 1.6 ± 0.3 0.4 ± 0.1 1.3 ± 0.2 0.7 ± 0.1 0.4 ± 0.1 2.6 ± 0.3 0.7 ± 0.1 |
Moyenne générale |
30.0 |
14.0 |
4.4 |
1.0 |
*= écart type
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Figure 2 : Sauvetage d’embryons issus du croisement blé x maïs et régénération de plantes haploïdes. a) caryopse contenant 3 embryons b) embryon haploïde âgé de 16 jours, c) plantules haploïdes régénérées sur le milieu B5.
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Discussion
La formation d’embryons capables d’évoluer en plantules chlorophylliennes constitue un élément clé de la production d’haploïdes doublés de blé tendre par culture d’anthères. Le nombre d’anthères embryogènes par épi et le nombre d’embryons par épi ont été très variables entre les variétés expérimentées dans ce travail. La variété ‘Carthage’ a montré l’induction des embryons la plus élevée, alors que les variétés ‘Ariana’ et ‘Florence x Aurore’ n’ont donné aucun embryon et sont considérées, par conséquent, récalcitrantes à la culture d’anthères. Ces résultats mettent en évidence la dépendance génotypique de la culture d’anthères et confirment le constat que l’induction de l’androgenèse chez le blé tendre est largement influencée par le génotype (Fedak et al., 1997 ; Ltifi et Djebbi, 2012). Le nombre de plantules chlorophylliennes par épi a varié également avec la variété. Le nombre de plantules albina par épi a dépassé largement le nombre de plantules chlorophylliennes par épi pour tous les génotypes à l’exception de la variété ‘Tahent’ dont le nombre de plantules chlorophylliennes par épi a excédé celui de plantules albina. En moyenne 7.2 embryons obtenus à partir de la culture des anthères d’un épi ont donné, après culture sur un milieu de régénération 0.3 plantules vertes et 1.7 plantules albina. Comme le phénomène d’induction, la régénération des structures embryogènes (embryons et cals) est dépendante du génotype. Dans une étude d’évaluation de la réponse à l’androgenèse de 38 croisements à trois voies, Kisana et al. (1993) ont également observé des différences dans la régénération de plantules parmi les croisements. La technique de culture d’anthères a prouvé son efficacité dans l’amélioration du blé d’hiver (Tuvesson et al., 2000). Toutefois, la grande dépendance génotypique de cette technique, la faiblesse de la production de plantes haploïdes et le pourcentage élevé de plantules albina limitent l’utilisation de la culture d’anthères dans les programmes d’amélioration du blé tendre (Henry et De Buyser, 1990 ; Lefebvre et Devaux, 1996).
Toutes les variétés utilisées dans ce travail ont donné des plantules haploïdes par la méthode de croisement blé x maïs, bien que des différences génotypiques aient été observées dans les pourcentages de nouaison et les nombres d’embryons formés et de plantules régénérées par épi. Tous génotypes confondus, la pollinisation d’un épi avec le maïs a donné en moyenne 4.4 embryons haploïdes dont un seul a évolué en plantule chlorophyllienne. Toutes les plantules observées ont été chlorophylliennes et l’albinisme n’a pas été observé. Les variétés ‘Ariana’ et ‘Florence Aurore’, récalcitrantes à la culture d’anthères ont donné respectivement 0.4 et 0.7 plante par épi. La technique de production d’haploïdes par croisement blé x maïs peut être utilisée comme alternative à la culture d’anthères avec les génotypes récalcitrants à l’androgenèse (Kisana et al. 1993; Lefebvre et Devaux 1996; Fedak et al. 1997). Des différences génotypiques dans la production d’haploïdes par la méthode de croisement blé x maïs ont été constatées aussi bien pour le parent femelle (blé) que le parent mâle (maïs). Ainsi, Laurie et Reymondie (1991) rapportent que le croisement de 19 variétés commerciales de blé tendre avec l’hybride de maïs ‘Seneca 60’ a donné 20 plantules haploïdes pour 100 florets pollinisés, ce qui équivaut à 4 plantules par épi pollinisé. Cependant, Kisana et al. (1993) ont obtenu uniquement 4.7 plantules haploïdes pour 100 épillets. Lefebvre et Devaux (1996) ont obtenu 9.1 plantules haploïdes par 100 florets pollinisés en utilisant 18 hybrides de blé et 5 pollinisateurs de maïs, résultat proche de celui obtenu dans ce travail. Comparée à la culture d’anthères ou de microspores, l’influence génotypique est fortement atténuée par l’utilisation de la méthode de croisement blé x maïs (Oury et al. 1993; Sadasivaiah et al. 1999). Les avantages de la méthode blé x maïs sur la culture d’anthères sont multiples. En effet, le croisement blé x maïs est plus efficace que la culture d’anthères (Kisana et al., 1993 ; Sadasivaiah et al., 1999), il présente moins de variation gamétoclonale (Lefebre et Devaux, 1996) et il est moins influencé par le génotype et demande moins de temps (Kisana et al. 1993; Suenaga 1991). La durée de formation des embryons et la régénération de plantules n’est pas la même pour la culture d’anthères et le croisement blé x maïs. Les embryons issus du croisement blé x maïs ont été formés plus rapidement que les embryons obtenus par culture d’anthères. Au bout de 14 à 16 jours après la pollinisation, les embryons provenant du croisement blé x maïs ont été sauvés sur le milieu de régénération B5, alors qu’il a fallu attendre au moins 4 à 6 semaines pour obtenir des embryons androgéniques transférables sur le milieu de régénération. D’autre part, les plantes obtenues par la méthode de croisement blé x maïs semblent stables sur le plan cytologique, tandis que les plantes issues de culture d’anthères peuvent présenter des anomalies chromosomiques (Kisana et al. 1993), ce qui constitue un autre avantage marqué de la technique de croisement blé x maïs par rapport à l’androgenèse.
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Conclusion
La méthode de production d’haploïdes de blé tendre de printemps par croisement blé x maïs est plus performante que la technique de culture d’anthères en termes de production de plantes chlorophylliennes. Cependant, l’androgenèse in vitro pourrait être envisagée en complémentarité pour les génotypes récalcitrants au croisement blé x maïs. L’albinisme observé dans la culture d’anthères et la faible reconversion des embryons en plantules haploïdes dans le cas du croisement blé x maïs constituent les principaux défis à relever. Des recherches sur la composition des milieux de culture et le choix adéquat des génotypes pourraient améliorer le rendement en plantules chlorophylliennes.
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