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Blue and green virtual water in the international trade of strategic agricultural products of Tunisia

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A. SOUISSI1*,

R. HAMMAMI2,

T. STAMBOULI1,

A. BENALAYA1

 

 School of higher Eductaion in Agriculture of Mograne; Zaghouan, Tunisia

National Institute of the Agricultural Research of Tunisia, Street Hédi Karray, 2049 Ariana-Tunisi

 

Abstract - Virtual water represents the volume of used water to produce an exchanged commodity through the international trade operations during its production process. In the case of agricultural products, many studies have sought to quantify the flows of virtual water exchanged around the world. Especially in countries facing water scarcity risks such is the case for Tunisia; the virtual water trade must be carefully studied as a potential solution for water shortage. The main objective of this paper is to consider a possible optimization of the agricultural water use through the estimation of the different types of virtual water for the most exported crops as well as for the main imported crops that can contribute to water saving. The monitoring of 478 farmers distributed throughout the country, allowed us to develop average techno-economic data sheets per bioclimatic stage and at the national level. These records allow estimates to be made of yields, production costs, revenue, gross margin and also to assess water consumption for each crop and consequently to estimate the virtual water content according to the water footprint network methodology. We have noticed that Tunisia can save up to 1.4 billion cubic meter of green water by importing wheat and about 5 million cubic meter of blue water by importing potatoes and onions. In the case of olive oil, we export about 2.46 billion cubic meter of green virtual water, which saves blue water for better allocation. Conversely, exports of dates are very expensive in terms of blue water, since 300 million cubic meter of blue water from non-renewable groundwater are exported. The results presented in this study can mainly help to establish policies for optimizing the use of water resources and improving water security in Tunisia.

Keywords: Virtual water, international trade, water security, water shortage, Tunisia

Résumé - L'eau virtuelle est le volume d'eau utilisé pour produire un bien échangé à l’échelle internationale, durant tout le processus de sa production. La Tunisie, qui fait face à une pénurie d’eau éminente, représente un bon exemple pour illustrer les effets des échanges commerciaux sur la sécurité hydrique. L'objectif de ce travail est de considérer ce concept d’eau virtuelle pour optimiser l'usage de l'eau dans le secteur agricole à travers l'estimation des différentes formes d'eau virtuelle pour les cultures les plus exportées et pour les principales cultures importées en Tunisie. Le suivi de 478 agriculteurs répartis sur tout le pays, a permis d’élaborer des fiches technico-économiques moyennes qui renseignent sur les rendements, les coûts de production, les recettes, la marge brute, et aussi sur la consommation d’eau bleue et verte pour les cultures étudiées, et d'estimer les teneurs en eau virtuelle selon la méthodologie du «water footprint network». Les résultats obtenus ont montré que la Tunisie économise jusqu’à 1,4 milliards de m3 d'eau verte en important du blé et environ 5 millions de m3 d’eau bleue en important des pommes de terre et de l’oignon. Dans le cas de l’huile d’olive, 2,46 milliards de m3 d'eau virtuelle verte sont exportés, ce qui permet une meilleure allocation de l’eau bleue. En contre partie, les exportations des dattes reviennent très chères en termes d’eau vu qu’on exporte 300 millions de m3d’eau bleue souterraine et non renouvelable.

Mots clés : Eau virtuelle, Commerce international, Sécurité hydrique, pénurie d’eau, Tunisie

  1. Introduction 

Le secteur agricole à toujours contribué considérablement à la croissance économique en Tunisie. Il représente 12,9% du PIB d'autant plus qu'il fournit environ 23,5% des emplois (MA 2015). Cependant, l'expansion de l'agriculture repose sur la disponibilité des ressources naturelles, notamment, l'eau. En raison de sa situation géographique, la Tunisie subit l'influence de deux climats: le méditerranéen au nord et le saharien au sud. Ces climats sont à l'origine de la grande variabilité spatio-temporelle des pluies. Par conséquent, la moyenne annuelle des précipitations varie de moins de 100 mm dans l'extrême sud à plus de 1500 mm dans les régions de l’extrême nord du pays. Ainsi, avec un potentiel de ressources en eaux souterraines et de surface qui ne dépasse pas les 4,8 Milliards de m3/an, la Tunisie est considérée au dessous du seuil de la pauvreté hydrique (MA 2015).Le Nord du pays est considéré comme le réservoir des eaux renouvelables en renfermant la majorité des eaux de surface et plus que la moitié des eaux des nappes phréatiques, soit 59% du total. Tandis que le Sud ne présente que 23% du potentiel total et dont la majeure partie est considérée comme des eaux souterraines non renouvelables. Quant au centre, il renferme, environ, 18% du potentiel hydrique du pays (MA 2015). C'est pourquoi, il est important de prendre en compte la rareté des ressources en eau lors de la mise en œuvre des politiques agricoles afin d’instaurer des bases solides pour le développement durable, d’équilibrer la balance commerciale, d’assurer un niveau acceptable de sécurité alimentaire et d’améliorer le niveau de vie surtout pour les groupes les plus affectés dans les régions rurales. Dans ce contexte, nombreux travaux de recherche ont intégré des nouvelles approches d’évaluation de la gestion des ressources en eau afin de contribuer à une utilisation durable de ces ressources, à l’échelle locale ou globale. Parmi ces nouveaux outils d’aide à la prise de décision, le concept de l’eau virtuelle, relativement récent, est employé pour expliquer le rôle des échanges commerciaux à l’échelle internationale, dans la maitrise et l’amélioration de l'utilisation de l'eau (Allan 1993 ; Chapagain et Hoekstra 2003 ; Velázquez 2007 ; Garrido et al. 2010 ; hanasaki et al. 2010). En Tunisie, l’emploi de ce concept est relativement limité. Il a été employé pour la première fois par Chahed et al., (2008) en évoquant la contribution de l’eau virtuelle dans la balance commerciale alimentaire. Par la suite, certains travaux ont insisté sur l’importance de favoriser les exportations de l'eau virtuelle verte des cultures pluviales et les importations des cultures fortement consommatrices d’eau bleue afin d’améliorer le bilan hydrique du pays (Chahed et al. 2011 ; 2015). Ce travail vise à évaluer et à comparer les volumes d'eau virtuelle échangés par la Tunisie pour chaque étage bioclimatique à travers les produits agricoles stratégiques importés et exportés en Tunisie.

 1.1 Concept d'eau virtuelle

Le concept d'eau virtuelle a d'abord été défini en termes d'eau incorporée dans un produit échangé, c'est-à-dire l'eau nécessaire à la création d'un produit commercialisé entre deux régions ou pays (Allan 1993). Zimmer et Renault (2003) avaient conclu qu'il n'était pas logique d'exporter des biens qui nécessitaient beaucoup d'eau par des pays déficitaires en eau. Par conséquent, les pays confrontés à des pénuries d'eau devraient avoir tendance à importer des biens dont la production nécessite beaucoup d'eau plutôt que de produire ces biens. Ces transactions permettent aux pays de soulager la pression sur les ressources hydriques et d'économiser les ressources disponibles pour les allouer à des fins plus avantageuses. Selon Fernandez et Thivet (2008), le commerce des produits agricoles est responsable de près de 90% des échanges d’eau virtuelle dans le monde. Ainsi, l'importation des aliments est équivalente à l'importation de l'eau sous une forme condensée (Allan 1994). Le concept de l'eau virtuelle a également attiré l'attention sur la répartition des activités agricoles irriguées entre différentes parties du monde (Renault 2002a).Ainsi, en particulier, dans les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord confrontés à des pénuries d’eau, une stratégie commerciale qui tient en compte les échanges d’eau virtuelle peut contribuer à sauvegarder les ressources en eau et à améliorer la sécurité alimentaire dans ces régions(Wichelns 2001).

 1.2 Cas de la Tunisie

Pour le cas de la Tunisie, afin d’assurer sa sécurité alimentaire, elle importe beaucoup de produits agricoles comme le blé, le maïs et l'orge. En 2011, les importations du blé ont atteint un maximum sans précédent de près de deux millions de tonnes (FAOSTAT 2011). Actuellement ces importations sont environ de un million de tonnes (INS 2015). Outre la sécurité alimentaire, ces importations peuvent assurer une meilleure allocation des ressources hydriques et des terres arables. Une telle stratégie est efficace pendant les années où le prix mondial des produits céréaliers est inférieur au coût de production, surtout pour un pays comme la Tunisie. Néanmoins, l'exportation de certains produits alimentaires tels que l'huile d'olive, les agrumes, les dattes, les tomates, etc., même si elle implique l'exportation d'énormes quantités d'eau virtuelle, reste vitale pour l'économie tunisienne. Le présent travail a pour objectifs i) l’estimation des quantités d’eau virtuelle consommées par les principales cultures cultivées en Tunisie, ii) l’estimation de la variation de la marge brute en fonction des cultures et des étages bioclimatiques, iii) l’évaluation de l’importance du flux d’eau virtuelle dans les politiques agricoles des pays.

 

  1. Matériel et méthodes

A travers les résultats d’une enquête réalisée au près des agriculteurs répartis sur cinq étages bioclimatiques qui couvrent la totalité du pays, nous avons estimé la marge brute pour les cultures stratégiques en Tunisie, à savoir: le blé, l’olivier, les agrumes, le palmier, la pomme de terre, la tomate et l’oignon. Ensuite, nous nous sommes concentrés sur l'estimation de la teneur en eau virtuelle nécessaire pour la production, afin d'évaluer la valeur de chaque m3 d'eau réelle et virtuelle consommée par ces cultures. En effet, les terres agricoles couvrent environ cinq millions d’hectares des terres arables. Environ 1,6 millions d’hectares sont destinés à la production des céréales, notamment, le blé dur et l’orge qui occupent de loin la première place avec un 1.2 millions d’hectares (MA 2015). L’arboriculture s’étend sur une superficie d’environ deux millions d’hectares. L’oléiculture couvre à elle seule plus des deux tiers de la superficie arboricole. Les cultures maraichères représentent moins de 0,2 millions d’hectares mais le secteur irrigué participe avec 95% de la production maraîchère. A travers l’étude des teneurs et des flux d’eau virtuelle, ce travail peut contribuer à l’identification de certaines orientations stratégiques nécessaires pour les politiques agricoles tunisiennes et à la conservation des ressources hydriques.

L’enquête de suivi a inclus un total de 478 exploitations dont 120 de blé, 123 oliveraies, 80 palmeraies, 47 vergers d’agrumes, 48 plantations de tomate, 46 de pomme de terre et 14 d’oignon, réparties sur les différents étages bioclimatiques (Humide-subhumide (HSH), Semi aride supérieur (SAS), Semi aride inférieur (SAI), Aride (A), Saharien (S). Les exploitants ont été visités périodiquement durant toute une compagne agricole. Les informations réunies au cours de l’enquête ont permis d’identifier les agriculteurs, les cultures pratiquées dans leurs exploitations, les superficies cultivées ainsi que les détails des pratiques agricoles adoptés tels que la mécanisation, l'irrigation, la fertilisation, les traitements, les rendements et les prix de ventes.

Les renseignements obtenus ont servi à calculer les charges variables et le revenu de chaque agriculteur et à déduire la marge brute1. Une fiche technico-économique a été élaborée pour chaque exploitation, par la suite, des fiches moyennes pondérées par étage bioclimatique et au niveau national ont été établies pour chaque culture. La pondération est basée sur la taille de l’exploitation. L’estimation de la teneur en eau virtuelle nécessaire à la production des différentes cultures en (m3/tonne) a été effectuée selon la méthodologie du «Water Footprint Network», en suivant la méthode proposée par Hoekstra et Hung (2003). Dans le cas des produits agricoles, l’eau virtuelle est l’eau évapotranspirée par les cultures. On peut alors distinguer deux composantes de l’eau virtuelle : l’eau provenant des précipitations et présente naturellement dans le sol, appelée eau verte, et l’eau d’irrigation ou l’eau bleue. La première étape pour calculer la teneur en eau virtuelle utilisée est d'estimer les besoins en eau d'une culture (n) récoltée (BECn), exprimée en (m3/tonne) (Chatzimpiros et Barles 2007).

 

 (1)

 

Où ETPn est l'évapotranspiration potentielle de la plante (mm/période de croissance), calculée par la méthode de Penman-Monteith (Allan 1998) et mise à disposition par la FAO. Rn est le rendement de la dite culture exprimé en (tonne/ Ha).

En se basant sur (1), les besoins réel en eau des cultures ETR (m3/Ha) sont calculés à partir de l’ETPn ajustée avec les coefficients culturaux (Kc). Le logiciel CROPWAT [FAO, 1992] est utilisé à cette fin. La teneur en eau virtuelle (EV), est alors donnée par l'équation (2):

 

 (2)

 

Ainsi, la teneur en eau virtuelle de la culture par unité (m3/tonne) a été estimée comme le rapport entre la consommation d'eau (m3 / Ha) et le rendement de la culture (tonne / Ha). La consommation d'eau est obtenue en additionnant l'évapotranspiration réelle de l'eau au cours du cycle végétatif des cultures, des pluies et quantité d’au d’irrigation apportées..Les calculs ont été effectués avec une application Excel élaborée par l'équipe du projet et contrôlée par le logiciel CROPWAT.L’estimation de la teneur en eau virtuelle a été faite en trois étapes:

 

2.1. Estimation des stocks d'eau mensuels dans le sol « Si » disponible pour la culture 

Le stock d'eau dans le sol Sdisponible à la fin de chaque mois i pour la culture est estimé en utilisant le système d'équation (3):

                  

Où Pûi est la pluie utile pour le mois i. Pûi = c Pi ; avec c =0.8 et Pi: la pluie totale enregistrée durant le mois i. ETMi est l'évapotranspiration maximale mensuelle de la culture qui représente le besoin en eau mensuel de la culture durant le mois i. ETMi = Kci ETPi ; avec Kci: le coefficient cultural de la culture au cours du mois i et ETPi: l'évapotranspiration potentielle (ou évapotranspiration de référence ET0) durant mois i. Ii est la quantité d'eau d’irrigation apportée à la culture durant le mois i. Dans le cas d'une culture pluviale, Ii = 0 puisque l'irrigation n'est pas appliquée. RU est la capacité d'emmagasinement en eau du sol (réserve utile) qui dépend de la nature du sol et la profondeur d'enracinement de la culture.

 

2.2. Estimation de l'évapotranspiration réelle mensuelle ETRi de la culture

L'évapotranspiration réelle mensuelle ETRi de la culture au cours du mois i est estimée en utilisant le système d'équations (4):

 

 , (4)

 

Ainsi, l'évapotranspiration réelle annuelle ETR qui représente la quantité totale d'eau consommée par la culture durant une année est donnée par l'équation (5):

 

 (5)

 

Où n est le nombre des mois exprimant la durée de la végétation de la culture. Il est déterminé à partir du calendrier cultural.

 

2.3. Estimation de la teneur en eau virtuelle utilisée par unité de produit

En se basant sur l’équation (2), la teneur totale d'eau virtuelle Ev (en m3/tonne) utilisée par tonne de produit agricole est estimée au moyen de la relation (6):

 

 (6)

 

Où ETR est exprimée en mm et R, qui représente le rendement de la culture, est exprimé en tonne/ha.

 

2.4. Evaluation des flux d’eau virtuelle

Selon la méthode de (Hoekstra 2003), l’estimation des flux d’eau virtuelle est basée sur deux perspectives : une réelle qui implique l’estimation de la teneur en eau virtuelle utilisée lorsque la production est réellement effectuée dans la zone d’étude et une perspective théorique qui implique l’estimation d’une teneur en eau virtuelle qui aurait été consommée si les produits importés ont été produites localement dans la zone étudiée. Ainsi, pour ce cas, afin d'estimer l'eau virtuelle associée aux produits exportés, on a estimé la quantité d'eau réellement utilisée pour les produire en Tunisie dans les différents étages bioclimatiques. Inversement, nous avons utilisé le concept de flux d'eau virtuelle théorique pour estimer l'eau virtuelle dans les cultures importées. Cela veut dire la quantité d'eau dont nous aurions besoin si nous n'avions pas importé une culture donnée, mais nous l'avons produit localement. Ce concept théorique est plus approprié que le concept d'eau virtuelle réelle pour estimer les importations d'eau virtuelle dans ce cas. Cette quantité d'eau peut être différente de celle réellement consommée dans le pays d'importation, en raison des différences de conditions météorologiques, de texture du sol, d'évapotranspiration, etc. (Velázquez 2007).

Dans notre cas, le flux d’eau virtuelle (FEv) résultant de l’échange d’un produit donné est estimé à partir de l’équation (6). Pour les cultures exportées, le flux d’eau virtuelle sortant est :

 

 (7)

 

Où Qe représente la quantité totale exportée du produit

Pour les cultures importées, le flux d’eau virtuelle entrant est :

 

 (8)

 

Où Qi représente la quantité totale importée du produit

 

  1. Résultats et discussion

On a pu constater que les exploitants tunisiens ignorent généralement les besoins en eau des cultures. La répartition des doses d'irrigation est établie de façon aléatoire sans vraiment prendre en considération les étapes critiques du développement des plantes. En ce qui concerne les fiches moyennes pondérées obtenues pour les cultures étudiées par étage bioclimatique, les marges brutes, l’eau d’irrigation, la teneur en eau virtuelle et la valeur rapportée par m3 d’eau consommée sont récapitulés dans le tableau 1. Concernant la valeur du m3 d’eau exprimée en Dinar Tunisien (DT) par m3, le taux de change moyen considéré durant la période de l’enquête est de 2DT pour 1€. Si on considère les étages bioclimatiques on constate que dans les régions arides, les cultures qui valorisent mieux l’eau sont l’oignon suivi par l’olivier avec respectivement 1,87DT/m3 et 0,47 DT/m3. En Semi-aride inférieur, la pomme de terre et les agrumes sont les meilleurs avec respectivement 1DT/m3 et 0,80DT/m3. En ce qui concerne les étages Semi-aride supérieur et humide-subhumide, la pomme de terre occupe toujours la première place avec respectivement 1,23 DT/m3 et 1,11 DT/m3 suivi par les agrumes. Le système de conduite en pluvial n’est pris en compte que pour le blé et l’olivier. Concernant les autres cultures, le système de conduite en irrigué est prédominant. Le blé également n’est cultivé qu’en irrigué dans l’étage bioclimatique aride. D’après les fiches moyennes obtenues, l’application d’une irrigation d’appoint pour le blé permet d’améliorer la marge brute par hectare dans tous les étages. Les quantités d’eau consommées par la culture sont ainsi mieux valoriser. En effet comme on peut le remarqué dans le tableau 1, l’apport de 1074m3 d’eau d’irrigation en HSH a permis d’obtenir 0,47DT/ m3 au lieu de 0,32DT/m3 pour le blé en pluvial. Contrairement au blé, l’irrigation d’appoint pour l’olivier ne semble pas améliorer la marge brute par hectare ni en SAS ni en A.

D’après le graphique 1, on voit bien que comparativement aux autres cultures étudiées, le blé et l’olivier ont des teneurs en eau virtuelle relativement élevées qui varient entre le 1000 et 2000m3/tonne aussi bien en irrigué qu’en pluvial. Cependant, leurs marges brutes sont très faibles ne dépassant pas les 2000 DT/ha dans les meilleurs des cas. Les variations de la marge brute et de la teneur en eau virtuelle en fonction de l’étage bioclimatique sont à leurs tours très faibles. En contre partie, les cultures maraichères à faibles teneurs en eau virtuelle (< 500m3/tonne), assurent des marges brutes nettement supérieures allant en moyenne de 3000 à 6000DT/ha notamment en HSH, SAS et SAI., grâce à leur rendement très élevé les agrumes sont considérés comme des cultures à faible teneur en eau virtuelle (<500m3/tonne) malgré les grandes quantités d’eau totale utilisée dépassant les 8000 m3/ha. Cette faible teneur en eau virtuelle est inversement proportionnelle à leur marge brute qui dépasse les 6000DT/Ha et notamment en SAS où elle est près de 10000DT/ha. Finalement, le palmier dattier qui caractérise les régions de sud se montre très consommateur d’une eau qui se fait rare dans ces régions variant de 1849 à 2870 m3/tonne pour une marge brute qui varie entre 1000 DT/ha en étage saharien et 4000 DT/ha en aride.

 

Tableau 1. Données récapitulatives des fiches moyennes par étage bioclimatique

 

Culture

Etage Bioclimatique

Rendement (tonne/Ha)

MB/Ha (DT/Ha)

Eau d'irrigation apportée (m3/Ha)

Eau totale utilisée (m/Ha)

Teneur en eau virtuelle (m3/tonne)

MB/m3d'eau (DT/m3)

Blé pluvial

HSH

2,85

1170

-

3578

1256,32

0,32

SAS

2,55

979

-

3322

1301,21

0,29

SAI

2,17

648

-

3349

1541,19

0,19

Blé irrigué

HSH

4,13

1894

1074

3231

782,51

0,47

SAS

3,95

1565

2025

4392

1111,90

0,31

SAI

3,11

1192

2845

4603

1478,64

0,23

A

4,28

1351

3626

4409

1030,14

0,37

Olivier pluvial

HSH

2,92

1065

-

4145

1419,52

0,25

SAS

3,15

1295

-

3395

1077,09

0,38

SAI

1,85

850

-

3301

1786,26

0,25

A

1,32

758

-

1591

1205,30

0,47

Olivier irrigué

SAS

2,73

750

1878

5415

1987,16

0,15

SAI

3,63

1691

1490

4582

1260,87

0,38

A

3,36

1532

2619

3850

1145,83

0,42

Agrumes

HSH

25,00

3533

5085

8060

322,40

0,48

Agrumes

SAS

33,52

10089

6456

8318

248,15

1,07

Agrumes

SAI

29,18

6745

5631

8368

286,77

0,8

Palmier dattier

S

6,48

3958

21258

18597

2869,91

0,2

A

4,49

992

7193

8302

1849,00

0,13

Pomme de terre

HSH

20,62

4478

2768

3859

187,15

1,11

SAS

29,56

5517

2663

3671

124,19

1,23

SAI

24,75

4017

2534

3310

133,74

1

A

17,69

1400

6847

3889

219,84

0,3

Tomate

HSH

70,30

3267

3905

4956

70,50

0,7

SAS

65,45

5280

5549

6113

93,40

0,77

SAI

69,20

4997

5776

5947

85,94

0,74

A

54,31

1470

6395

5637

103,79

0,34

Oignon

 

SAS

10,46

2790

1698

3404

325,43

0,92

A

55,35

8955

4483

4047

73,12

1,87

Source : élaboration propre à partir des données de l’enquête

 

 

Figure 1. Variation de la marge brute en fonction de la culture, de l’étage bioclimatique et de la teneur en eau virtuelle

 

 

Afin d’obtenir des fiches moyennes à l’échelle nationale, les fiches technico-économiques obtenues par étage bioclimatique ont été pondérées en utilisant les données de la carte agricole relatives à l’occupation du sol dans les différentes régions et étages bioclimatiques de la Tunisie (INS 2015).On a constaté que l’oignon occupe toujours la première place parmi les cultures étudiées quant à la valorisation de l’eau totale utilisée. La marge brute par m3 d’eau est estimée à 1,83DT/m3, suivi par la pomme de terre, les agrumes et la tomate. Le palmier dattier occupe la dernière place (tableau 2).

L’eau virtuelle comprend trois composantes qui ne se valent pas: l’eau bleue, l’eau verte et l’eau grise (Allan 1998). L’eau grise n’est pas prise en compte dans ce travail puisqu’il s’agit d’une eau théorique qui n’a pas été réellement consommée lors de la production.

 

 

Tableau 2. Données récapitulatives des fiches moyennes nationales par culture

 

Culture

MB/Ha (DT/Ha)

Rendement (tonne/Ha)

Eau d'irrigation apportée (m3/Ha)

Eau pluviale utilisée (m3/Ha)

Eau totale utilisée (m3/ Ha)

Teneur en eau virtuelle (m3/tonne)

MB/m3 d'eau (DT/m3)

Blé pluvial

1021

2,46

-

3428

3428

1394,63

0,29

Blé irrigué

1470

3,97

2392

2724

4159

1047,87

0,3

Olivier pluvial

923

1,94

-

3107

3107

1598,25

0,3

Olivier irrigué

1381

3,28

1996

2686

4616

1408,61

0,32

Agrumes

6745

29,18

5724

3506

8249

282,69

0,8

Palmier dattier

3958

6,48

21258

658

18597

2869,91

0,2

Pomme de terre

4270

22,68

3703

1463

3682

162,35

0,9

Tomate

3912

65,32

5406

1428

5663

86,70

0,66

Oignon

7104

41,88

3090

1111

3545

84,65

1,83

Source: élaboration propre à partir des données de l’enquête

 

3.1. De la teneur en eau virtuelle aux flux d’eau virtuelle

Afin de quantifier les flux d’eau virtuelle générés par les échanges du blé et de l’huile d’olive, on assume que leurs importations et exportations respectives sont uniquement issues de cultures pluviales puisque en Tunisie, l’irrigation d’olivier et du blé ne dépasse pas les 3,5% et les 8% respectivement (FAO 2015). Concernant les autres cultures étudiées, on a procédé à la quantification des flux d’eau virtuelle bleue, verte et totale. Les quantités d’huile d’olive ont été converties en équivalent d’olive. Selon Salmoral et al. (2011), la production d’un kilogramme d’huile d’olive nécessite 5 kilogrammes d’olive. Pour le double concentré de tomate, les quantités exportées ont été converties en équivalent de tomate fraîche. La production d’un kilogramme de double concentré requière 6 kilogrammes de tomate fraîche (Fall et al. 2009). Les quantités d’eau consommée lors de la transformation de ces deux produits sont considérés négligeables par rapport à l’eau consommée à la production.

Les résultats de cette quantification sont présentés dans le tableau 3.Pour le blé, le flux total d'eau virtuelle entrant est estimé à environ 1,4 Milliards de m3. En d'autres termes, la Tunisie économise théoriquement ce volume d’eau en important du blé. Dans ce cas, ces économies touchent essentiellement l’eau verte. En contre partie, pour le cas de l’huile d’olive, le flux d’eau virtuelle sortant frôle les 2,46 Milliards de m3. Cela signifie que la Tunisie sacrifie réellement 2,46 Milliards de m3 d'eau en exportant de l’huile d’olive. Le fait que l’eau exportée soit majoritairement une eau verte rend la situation plus confortable. En comparaison avec l’huile d’olive, les exportations d’eau virtuelle issues des autres produits sont relativement plus faibles. En effet, ces volumes sont de l’ordre de 7 Millions de m3 pour la tomate et les agrumes et de 300 Millions de m3 pour les dattes. Cependant, concernant ces derniers, la situation semble assez critique puisqu’il s’agit d’une eau bleue qui se fait de plus en plus rare au sud.

En Tunisie, la répartition aléatoire des doses d'irrigation et l'utilisation des outils traditionnels sont des sources de gaspillage d'eau. Ces attitudes s'expliquent par l'âge et le niveau d'éducation des agriculteurs. En fait, les résultats de cette étude concordent avec les statistiques nationales. Selon l'enquête nationale sur la structure des exploitations agricoles (ONAGRI 2005) réalisée par le Ministère de l'Agriculture, environ 70% des agriculteurs tunisiens ont plus de 50 ans et ils sont analphabètes ou ont un niveau d'éducation primaire.

 

 

 

Tableau 3 : Les flux d’eau virtuelle par produit agricole

 

Principaux produits exportés

Quantité (Mille tonnes)*

Flux d’eau virtuelle totale (m3)

Flux d’eau virtuelle bleue (m3)

Flux d’eau virtuelle verte (m3)

Huile d’olive

307,3

2 455 711 130

-

2 455 711 130

D.C. de tomate

8,5

4 421 510

3 306 570

1 114 940

Tomate fraîche

20,4

1 768 600

1 322 630

445 980

Dattes

105

301 340 280

290 678 240

10 662 030

Agrumes

24,4

6 897 720

3 966 050

2 931 680

Principaux produits importés

Quantité (Mille tonnes)*

Flux d’eau virtuelle totale (m3)

Flux d’eau virtuelle bleue (m3)

Flux d’eau virtuelle verte (m3)

Blé

1000

1 394 629 780

-

1 394 629 780

Oignon

19,333

1 636 470

1 123 600

512 870

Pomme de terre

39,895

6 476 780

3 903 310

2 573 470

*Source : INS, 2015

En prenant en considération les variations dues aux variétés cultivées, la gestion des exploitations, le type du sol, les précipitations, etc., les résultats obtenus concernant l’estimation des teneurs en eau virtuelle, notamment pour les cultures maraichères, le blé et les dattes sont comparables à ceux rapportés par Renault et Wallender (2000), Hoekstra et Hung(2003) ainsi que Renault (2002b) qui, de son coté, souligne également l’importance de rappeler que les décisions concernant l'importation et la production d'un bien quelconque, et en particulier des produits alimentaires, ne sont pas uniquement basées sur la teneur en eau virtuelle. En effet, les échanges des produits agricoles dépendent de facteurs tels que la disponibilité des terres, de l'eau, du travail et de la technologie. Bien que le lien entre le commerce des produits agricoles et l'eau soit un problème qui a rarement été abordé, il peut influencer le niveau de sécurité hydrique dans les pays confrontés à des problèmes de pénurie d'eau, comme la Tunisie. Ainsi, il est important que l'eau virtuelle soit correctement évaluée en termes de valeur dans l'espace et dans le temps afin d’être mieux considérée au niveau des politiques de commerce extérieur, de la gestion de l'eau et de la politique agricole. L'importation de grandes quantités de blé représente éventuellement une bonne stratégie pour économiser les ressources en eau, surtout lorsque le prix mondial est inférieur au coût de la production locale. En important environ 1 million de tonnes de blé par an, la Tunisie économise plus de 1,4 Milliards de m3 d'eau par an. Une meilleure allocation de l’eau et de la terre peut alors être considérée. D’un autre coté, il ne faut pas oublier que le blé est considéré comme la denrée de base de la sécurité alimentaire en Tunisie. Sa consommation d'eau par hectare est relativement faible et provient essentiellement des précipitations (Yang et al. 2006) d’où l’importance de préserver la production locale. Contrairement au blé, l'huile d'olive exportée par la Tunisie jouit d’un pouvoir compétitif significatif par rapport aux autres pays de la méditerranée. Ces résultats sont confirmés par l'étude de Bachta et al. (2001) sur la compétitivité des produits agricoles tunisiens exportés et les coûts des ressources naturelles. Aldaya et al. (2008) ont également constaté que l’Espagne exporte des produits à forte valeur économique et à faible teneur en eau virtuelle, comme les agrumes, les légumes et l'huile d'olive, alors qu'elles importent des cultures à forte teneur en eau virtuelle et à faible valeur économique comme les céréales. Cela a non seulement un énorme potentiel pour soulager le stress hydrique et économique local, mais il est également très pertinent pour l'économie nationale et le bilan hydrique. Néanmoins, même si le potentiel du commerce extérieur pour «sauvegarder» ou pour mieux allouer l'eau à l’échelle nationale est substantiel, la plupart des échanges internationaux de produits alimentaires se produisent pour des raisons non liées aux ressources en eau. Selon Yang et Zehnder (2008), moins de 20% du commerce d’eau virtuelle à l’échelle mondiale prend en compte la pénurie d'eau. Ce qui veut dire que 80% des échanges d’eau virtuelle est faite pour des raisons purement commerciales.

 

  1. Conclusion

A travers les exemples de cultures étudiées, on prétend contribuer à une analyse plus globale des dimensions agronomique et économique de l'eau et à déceler des allocations plus efficaces de cette ressource, dans une perspective de développement durable et d'amélioration de la sécurité alimentaire et hydrique. Le défi consiste à développer la capacité du pays à mieux produire tout en préservant ses ressources limitées en eau, notamment en eau bleue, grâce au choix de cultures qui valorisent mieux l’eau. En effet, dans le contexte actuel de rareté des ressources en eau, Les politiques de gestion de l’eau devraient mieux encourager les agriculteurs à rationaliser l'utilisation de l'eau et devraient être en mesure d'assurer une répartition équitable des ressources disponibles en fonction des besoins des cultures et des régions. Les possibilités d'améliorer l'efficacité de l'eau au niveau agro-économique reposent principalement sur une meilleure planification de l'utilisation des terres et une gestion adéquate de l’eau. La valorisation de l'eau totale utilisée ou même de l’eau d’irrigation dépend aussi de la mise en place d'un calendrier d'irrigation approprié qui fournit à la plante ses besoins en eau durant ses différents stades végétatifs. Le système d'irrigation doit être révisé pour accroître son efficacité. Toutes ces mesures peuvent avoir un impact positif sur la limitation du gaspillage d'eau.

La Tunisie exporte des produits de grande valeur économique et adaptées au climat méditerranéen, essentiellement l'huile d'olive et les agrumes. Il est vrai qu'en exportant de l'huile d'olive, la Tunisie perd une quantité importante d'eau virtuelle, mais ces exportations sont très importantes du point de vue économique et social d’autant plus qu’il s’agit majoritairement d’une eau de pluie non récupérable que seule une culture comme l’olivier peut valoriser

 

  1. Remerciment

Les auteurs tiennent à remercier le Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) qui a financé cette étude ainsi que toute l’équipe du projet (EVSAT-CAD) «Eau Virtuelle et Sécurité Alimentaire en Tunisie : Du Constat à l’Appui au Développement » pour leurs contributions.

 

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