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Characterization and typology of dairy cattle farms in the Tunisian semi-arid (Zaghouan region)

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Caractérisation et typologie des élevages bovins laitiers dans le semi-aride Tunisien (cas de la région de Zaghouan)

 

M. HAMMAMI1

R. BOURAOUI1

H. SELMI2

 

1 School of Higher Education in Agriculture, Laboratory of ADIPARA – Mateur, Tunisia

2 Institute Sylvo-Pastoral of Tabarka,B.P345 – Tabarka 8110, Tunisia.

 

Abstract - Faced with an increasing demand for milk and milk products and in an economy open to competition from the external market, the management of livestock systems must undergo a radical transformation in order to optimize the use of All the factors of production in order to ensure a reduction in the cost of production which continues to increase and to guarantee the breeder an acceptable margin. This requires estimating the cost of production and evaluating the performance of dairy farms. It is within this framework that we have conducted this survey among small and medium-sized livestock producers whose objective is to study livestock systems and to have an idea of ​​the profitability of this sector in the governorate of Zaghouan which reflects Conditions and circumstances of breeders throughout the country. The results show that dairy farming makes it possible to obtain an acceptable income for breeders, yet dairy cattle breeding still complains of poor technical and economic performances such as the reproductive and productive poor performance of dairy cows which come first, A lack of experience and training of farmers, particularly in the area of ​​adequate nutrition for cows, which is a real obstacle to the development of the dairy sector.

 

Keywords: Characterization, dairy cattle breeding, typology, strategy

 

Résumé - Face à une demande croissante en lait et ses dérivés et dans le cadre d'une économie ouverte à la compétition du marché extérieur, la conduite des systèmes d'élevage doit connaître une transformation profonde dans le sens d'une optimisation de l'utilisation de l'ensemble des facteurs de production afin d'assurer une réduction du coût de production qui ne cesse d'augmenter et garantir à l'éleveur une marge acceptable. Cela exige d'estimer le coût de production et d'évaluer les performances des exploitations laitières. C’est dans ce cadre que nous avons mené cette enquête auprès des petits et moyens éleveurs dont l'objectif est d'étudier les systèmes d'élevage et d'avoir une idée sur la rentabilité de ce secteur dans le gouvernorat de Zaghouan qui reflète les conditions et les circonstances des éleveurs dans tout le pays. Les résultats obtenus montrent que l'élevage laitier permet de procurer des revenus acceptables aux éleveurs, pourtant l'élevage bovin laitier se plaint encore des faibles performances techniques et économiques telles que les mauvaises performances reproductives et productives des vaches laitières qui viennent en premier lieu, un manque d'expérience et de formation des éleveurs, en particulier dans le domaine de la nutrition adéquate pour les vaches, ce qui présente un véritable obstacle au développement de la filière laitière.

 

Mots clés : Caractérisation, élevage bovin laitier, typologie, stratégie

 

  1. Introduction :

Le secteur de l'élevage laitier en Tunisie, dont l'extension et le développement étaient largement soutenus par l'état, doit son importance à :

- la place qu'il occupe dans l'économie nationale du fait qu'il contribue à hauteur de 12% de la valeur de la production agricole, 70% de celle de la production animale et 8,5% de celle des industries agro-alimentaires (Alary, 2001 ; Hammami et al. 2013).

- Sa place dans la création des emplois et la fixation de ces populations dans leurs zones notamment dans les petites et moyennes exploitations familiales pratiquant ce type d'activité.

- Son rôle dans la dynamisation du secteur industriel et l'alimentation du marché national en produits classés stratégiques tels que le lait et la viande rouge(GAL, 2004 ;Ben Ahmed., 2010).

Cependant cette extension n'était pas accompagnée par de bonnes conduites notamment celle liée à l'alimentation des animaux. En effet, on a toujours noté une inadéquation entre les besoins des troupeaux et les ressources fourragères autoproduites notamment chez les petits et moyens éleveurs qui détiennent le plus grand effectif des unités femelles(Ministère de l'agriculture, 2013).

Devant une telle situation, les éleveurs se comportent différemment. En effet, certains adoptent la conduite semi- extensive alors que d'autres trouvent la solution dans l'utilisation massive des aliments concentrés souvent importés de l'extérieur avec des prix en augmentation continue d'où un coût de production de plus en plus élevé. Ceci met en cause la rentabilité voire même la durabilité de ce type d'élevage. Dans notre travail, basé sur des enquêtes de terrain et des entretiens auprès de responsables locaux, nous allons essayer d'analyser les différents comportements rencontrés et d'identifier les types de stratégies développées pour les éleveurs enquêtés.

 

  1. Matériels et Méthodes
    1. Caractéristiques de la zone de notre étude

La région de Zaghouan se situe au Nord-est de la Tunisie (figure 1). Elle s'étend sur une superficie de 282000ha soit 1,8 % de la superficie totale de la Tunisie. Elle est marquée par :

- Un relief relativement hétérogène ;

- Une alternance de plaines et de collines. Les plaines les plus connues sont celles de Smindja, de Boucha, de Griffete et de Tabica au Nord et celles d'oued Errebeh et Bouachir au Sud

- Un climat méditerranéen modéré en hiver et doux en été avec des températures moyennes qui varient de 8,4°C en hiver (mois de février) à 33,3 °c en été (Mois d'Août). La pluviométrie moyenne annuelle est de l'ordre de 440mm avec une grande variabilité inter et intra-annuelle. Le régime pluvial est centré sur l’hiver (35% des précipitations annuelles);l'été est généralement sec (8% seulement) et les précipitations réapparaissent en automne et se poursuivent jusqu'au mois d'Avril.

Les ressources hydriques sont relativement faibles. Elles sont évaluées à 128 millions de m3 d'eau (soit 2,7% du potentiel national) dont 72% proviennent des eaux de ruissellement collectées au niveau des barrages et des lacs collinaires. Ce faible potentiel hydrique limite l'extension et le développement de l'irrigation.

L'économie régionale demeure basée sur les activités agricoles et ce malgré l'émergence, au cours des trois dernières décennies, des structures industrielles dans les périphéries des villes de Zaghouan, Fahs et Nadhour.

Comme pour le reste du pays, l'agriculture de Zaghouan, a connu des mutations et des transformations plus ou moins importantes. Mais elle reste dominée par la céréaliculture et l'élevage mixte au Nord de la dorsale et par l'olivier, les céréales secondaires et l'élevage des petits ruminants (Ovins et Caprins) au Sud de la dorsale.

L'élevage bovin a connu une évolution quantitative relativement importante notamment dans les zones de Fahs et Bir M'chargua. Mais cette évolution n'a pas été accompagnée par une réelle intégration des cultures fourragères dans les systèmes des cultures. Tout cela s’est alors traduit d'une part par une pression sur les ressources pastorales notamment celle des parcours dont la surface est réduite (6% de la surface totale) et d'autres part, par un déficit fourrager structurel (Hammami et al., 2011).

 

 

 

Figure 1 : Carte de localisation du gouvernorat de Zaghouan

 

 

    1. Objectif et méthodologie.

Le présent travail vise à caractériser et analyser le fonctionnement des élevages bovin laitier, dans une région marquée par l'irrégularité des précipitations et le faible développement de l'irrigation. Il a pour objectif principal de comprendre le comportement des éleveurs face aux éléments (à la fois endogènes et exogènes) pouvant constituer des contraintes ou des opportunités à exploiter et d'identifier les conséquences de ces éléments sur des décisions individuelles de l'éleveur en matière de conduite de son élevage. Ainsi nous nous référons, dans notre analyse aux différents types de stratégies des éleveurs enquêtés, à la théorie du comportement adaptatif du producteur. En effet, l’éleveur se trouvant influencé par un environnement de plus en plus compliqué n'est pas autonome dans la prise de ses décisions. Il est obligé d'adapter ses comportements à son environnement socio-économique, commercial, institutionnel et politique. Il est à la fois opportuniste et prudent. Opportuniste parce qu'il essaye de chasser les bonnes occasions pour en profiter et prudent parce que ses décisions, notamment celles stratégiques sont projetées dans un avenir le plus souvent incertain.

La démarche méthodologique retenue comporte les étapes complémentaires suivantes:

 

  1. La première étape : Diagnostic exploratoire

Ce diagnostic ayant pour objectif de caractériser l'agriculture locale de façon générale et l'élevage bovin laitier en particulier. Cette caractérisation nous fournit quelques indicateurs visuels aux sujets des potentialités et des contraintes pour le fonctionnement et la reproduction des élevages laitiers. Il est basé sur :

- Une lecture de la documentation disponible (cartes, rapports des services administratifs, projets de fin d'études) ;

- La consultation des fiches de suivi des exploitations laitières tenues par le service du contrôle laitier au sein de l'office de l'élevage et des pâturages, à l'échelle régionale (OEP) ;

Des visites de terrain et des entretiens non directifs auprès de certaines personnes ressources (responsables locaux, éleveurs, des fournisseurs des aliments de bétail, des collecteurs du lait ; ...).

    1. La seconde étape : Enquête par questionnaire

Réalisation d'une enquête auprès d'un échantillon de 30 éleveurs (soit 62% des éleveurs encadrés par l'OEP). Le choix de ces éleveurs a été fait de façon raisonnée selon des critères prenant en considération la diversité des situations.

Ce choix est effectué d'une part à l'aide des fiches de suivi des éleveurs et d'autre part en se basant sur un certain nombre de critères :

- La taille de l'exploitation et celle du troupeau de vaches laitières ;

- L'adhésion de l'éleveur au programme du contrôle laitier, suivi et réalisé par les techniciens de l'OEP;

- La nature des activités pratiquées dans l'exploitation et la place de l'élevage laitier.

Un questionnaire détaillé sur les élevages enquêtés a aboutit à la collecte d'une diversité d'informations relative à la taille de l'exploitation et celle du troupeau, les activités agricoles et autres pratiquées par l'exploitant, les surfaces fourragères, l'importance des aliments de bétail achetés, les différentes conduites des troupeaux (alimentaire, sanitaire, de reproduction); le coût de production, le niveau de la production laitière et la marge bénéficiaire par litre de lait produit.

 

    1. Troisième étape: dépouillement des enquêtes et choix des indicateurs de performance

Le dépouillement et l’analyse des informations collectées se sont faits d’abord par la création d’une base de données analysé Microsoft Excel afin d'en faciliter le traitement. Puis la saisie des réponses du questionnaire sur cette base de données.

En utilisant les outils statistiques avec les tableaux croisés dynamiques de Microsoft Excel, nous avons calculé les moyennes, les écart-types et les pourcentages. De nombreux indicateurs de mesure de la performance des élevages enquêtés ont été retenus dont nous pouvons citer à titre d'exemples:

- La surface fourragère par rapport à la surface agricole utile ;

- L'importance des aliments achetés dans la ration alimentaire des animaux;

- Des paramètres zootechniques liés à reproduction et aux conduites alimentaires, de reproduction et sanitaire des vaches laitières comme l'âge au premier vêlage, l'intervalle vêlage-vêlage, le nombre d'inséminations/fécondation, niveau de production laitière.

- Des paramètres économiques comme le coût de production/litre de lait produit, la production par vache et par lactation, la marge bénéficiaire par litre de lait.

 

  1. Résultats et discussion

Vu la diversité des situations rencontrées et pour une meilleure compréhension du fonctionnement des exploitations enquêtées, nous avons procédé par l'élaboration d'une typologie basée à la fois sur des éléments de structure (taille du troupeau, surface fourragère) et sur d'autres éléments liés aux comportements des éleveurs dans la conduite de leur troupeau.

Ainsi, un premier travail de caractérisation des élevages enquêtés nous a permis d'identifier trois catégories d'élevages à l'intérieur desquelles trois types de fonctionnement, de comportements  et par conséquent des stratégies sont également identifiées comme le montre le tableau1.

 

 

Tableau 1 : Caractérisation et regroupement des exploitations enquêtées

 

Catégories

Types

Caractéristiques

Objectifs

Stratégie

 

GI : l'élevage est une activité principale dans un système spécialisé(37% de l'échantillon)

 

 

 

 

 

Type1 Petits éleveurs

-Eleveurs relativement âgés (56 ans) avec un niveau d'instruction très bas;

-taille du troupeau inférieure à 6 vaches laitières;

-Surface fourragère réduite(0.3 ha/vache)

- Les cultures fourragères sont conduites en pluviale;

- Faible production laitière (3930 litres/vache/ lactation)

-coût de production élevé

-Marge bénéficiaire relativement intéressante. Elle est de 0.267dt/litre

Assurer un revenu régulier et suffisant

Essai d'amélioration des conduites alimentaire et de reproduction

 

 

Type 2: Moyens éleveurs

- Eleveurs relativement jeunes (âge moyen 39 ans); avec un niveau d'instruction intéressant (60% ont le niveau secondaire)

- Taille du troupeau supérieure à 6 vaches (moyenne: 12);

- Surface fourragère : 0.76 ha/vache;

-Cultures fourragères diversifiées dont certaines sont conduites en irrigué;

-Coût de production : 0.419 dt/litre

- Production : 4100 litres /vache/lactation;

Marge bénéficiaire: 0.271dt/litre. Elle est la plus importante de tous les types identifiés.

Assurer un emploi et avoir un revenu régulier et plus élevé que celui issu d'un salariat

Investir dans l'élevage laitier

 

 

 

 

GII : Elevage laitier conduit dans un système diversifié (27% de l'échantillon)

 

 

 

 

Type II 1 : Petits éleveurs

-Eleveurs âgés (58 ans);

-Niveau d'instruction bas;

-Taille moyenne du troupeau : 4 vaches ;

-Surface fourragère : 0.4 ha/vache;

- l'avoine foin est la culture fourragère la plus dominante;

-Présence des petits ruminants (ovins et caprins);

- Production : 4261litres/vache/lactation

- coût de production :

0.529d t/litre

-Marge bénéficiaires : 0.131dt/litre

L'élevage laitier est recherché pour la diversification des sources de revenu agricole et la création des emplois pour la main d'œuvre féminine familiale

Orientation vers un système d'élevage relativement diversité mais encore fragile

 

 

Types II 2 : Moyens éleveurs

- Eleveurs jeunes (35 à 42 ans) avec leur niveau d'instruction élevé (75% ont le niveau secondaire);

-Surface agricole utile (SAU) relativement importante (48 ha en moyenne) ;

- Le système d'e production est diversifié (présence du maraîchage et de l'arboriculture);

- Taille moyenne du troupeau : 8 vaches laitières;

- Les cultures fourragères occupent entre 20 et 30 % de la surface des grandes cultures;

- Dominance de l'avoine foin avec peu de verdure (Bersim);

- Production laitière: 4620l/vache

-Coût de production: 0,500dt/litre

- Marge bénéficiaire : 0.170dt/litre

- Surface fourragère par vache: 0.9 ha

Avoir un système diversifié pour éviter les risques (aléas climatique et marché) et stabilises le revenue agricole pour une famille relativement élargie

Adoption d'un système mieux sécurisé

 

 

 

 

 

 

GIII des éleveurs doubles actifs (36% de l'échantillon)

 

 

 

Type III-1 : Petits éleveurs avec l'élevage extensif

- Eleveurs relativement âgés (âge 60ans) avec un très faible niveau d'instruction;

-Taille du troupeau : 4 vaches laitières

-Surface fourragère : 0.625 ha/vache;

- Très peu de verdure (orge en vert)

-Domination de l'avoine foin;

- Le troupeau est conduit par la femme aidée par ses enfants;

- Production : 4378l/UL/lactation

- Coût de production : 0.482 dt/litre

- Marge bénéficiaire 0.178dt /l

Diversification

des sources du revenu familial et génération des recettes échelonnées sur une bonne période de l'année

Valorisation de la faible superficie et de la main d'œuvre familiale par l'installation d'un petit élevage laitier

 

 

 

 

Type III-2 : moyens éleveurs avec élevage intensif

-éleveurs âgés de 40 à 60 ans, avec un niveau d'instruction plus ou moins élevé;

- Tous les chefs d'exploitation exercent des métiers extra agricoles;

- La conduite du troupeau est confiée à un salarié;

- Taille du troupeau : 11vaches;

- Surface fourragère : 0.545 ha/vache;

- Production : 5449 litres/lactation/VL

- Coût de production : 0.392dt /litre

- Marge bénéficiaire : 0.288dt /litre

 

 

 

 

Il faut préciser que:

-Marge bénéficiaire = Produit brut en valeur – coûts totaux (Coût fixe total + coût variable total)

-Produit brut en valeur = Valeur du produit principal (Le lait pour la race laitière) + les produits secondaires ou sous produits (les veaux vendus et les vaches de réforme vendues également).

-La marge bénéficière varie d’une exploitation à une autre selon:

* Le rendement en lait,

* Le prix de vente du lait,

* Le prix de vente du veau,

* Le prix de vente de la vache de réforme,

* Le coût de production qui dépend lui-même de:

** L’importance des coûts fixes,

** De l’importance des coûts variables qui varient beaucoup d’une exploitation à une autre selon les éléments suivants: fourrages autoproduits ou achetés de l’extérieur (au moment de la récolte ou en dehors de la période de récolte), la main d’œuvre employée (familiale ou salariale).

NB – Le coût de production n’est pas faible. Prenons le cas d’une vache qui produit 4000 litres de lait et dont le coût de production est de 0,500dt/l c’est-à-dire un coût de production total de 2000dt/vache!

La faiblesse des coûts est enregistrée dans les exploitations qui utilisent la main d’œuvre familiale et/ou n’investissent pas beaucoup dans les constructions et le matériel spécifique.

L’Analyse comparative des pratiques et des stratégies adoptées par les éleveurs enquêtés nous a conduit à la distinction de trois catégories d'élevages à l'intérieur desquelles différents types sont également identifiés comme le montre le tableau n°1 (Ci-dessus).

Catégorie (CI) :

Cette catégorie regroupe les éleveurs dont l'élevage bovin laitier constitue la principale source de revenu agricole. On y distingue deux types qui se différencient essentiellement par la taille du troupeau.

Type I-1-Petits éleveurs:

Les exploitations dans ce type, disposent de faible surface fourragère occupée par des cultures annuelles pluviales. La ration de base des animaux est constituée par du foin et de la paille dont l'apport est insuffisant pour couvrir correctement les besoins d'entretien. D'où le recours fréquent et parfois massif aux aliments concentrés achetés de l'extérieur. Ceci a induit un rapport lait sur concentrés faible (1.6) et des dépenses alimentaires élevées. En effet, ces dépenses représentent 86% du total des charges d'élevage. Néanmoins, il faut préciser que 83% des dépenses alimentaires sont effectuées pour l'achat des aliments de l'extérieur.

Au problème d’une alimentation relativement coûteuse et non équilibrée s'ajoutent d'autres notamment ceux liés à la conduite de reproduction dont nous pouvons citer à titre d'exemples : l'intervalle vêlage-vêlage qui est de 453 jours contre une norme de 365 jours et l'intervalle vêlage -insémination fécondante (179 jours contre la norme qui est de 85jours).

Les faibles performances de ce type d’élevage laitier ne s'expliquent pas seulement par des problèmes alimentaires (faible surface fourragère, absence de verdure) mais également par une faible technicité des éleveurs.

Toutes ces difficultés avaient une répercussion relativement mauvaise sur la production laitière qui est de l'ordre de 3930 litres par lactation (soit 10.5 litre/jour). Mais malgré la faible production et l'importance du coût d'alimentation, la marge bénéficiaire (0.267dt /litre) est jugée acceptable.

Ceci se justifie par un prix de vente du lait (0.674dt/litre) relativement intéressant et des charges fixes quasi-absentes d'où un prix de revient acceptable également.

Mais le revenu généré de cette activité est jugé insuffisant (3660dt/an) pour des familles qui comptent 4 à 6 personnes soit un revenu agricole par personne et par an qui varie de 610 à 915dt.

Type I-2- Moyens éleveurs dynamiques et motivés :

Ce type est constitué par des jeunes éleveurs ayant un niveau d'instruction beaucoup plus élevé que celui dans le type précédent. Un tel niveau conjugué avec une bonne motivation avaient une bonne répercussion sur la conduite des troupeaux.

Dotés d'une superficie relativement importante et de possibilités d'irrigation, ces éleveurs ont pu diversifier leurs cultures fourragères et échapper à l'irrégularité des précipitations pour avoir plus de verdure que dans le type précédent. Tous ces facteurs leur ont permis d'avoir une ration plus équilibrée d'où une production laitière plus importante (4482 litres/vache/lactation.

La bonne conduite alimentaire se distingue également dans le rapport lait sur concentré qui est de l'ordre de 3.22 contre 1.6 dans le premier type.

Contrairement aux élevages dans le premier type, ceux dans le second type présentent des paramètres de fécondité relativement proches des valeurs souhaitées ou préférées. En effet l'intervalle vêlage-vêlage et celle vêlage - insémination fécondante sont respectivement de l'ordre de 392 et 114 jours.

Le taux de réussite à la première insémination et le pourcentage des vaches ayant trois inséminations sont certes loin des valeurs recommandées, mais ils sont meilleurs par rapport à ceux enregistrés dans le type précédent.

Au niveau des résultats économiques, la différence de la marge bénéficiaire entre les deux types n'est pas significative. Elle est de 4 millièmes par litre de lait. Ceci s'explique par l'importance des charges fixes dans le second type où les jeunes éleveurs ont subi beaucoup de dépenses d'investissement lors de leur installation ce ci corrobore avec ceux trouvé parLandais et Balent(1993).

CII- Elevage bovin laitier conduit dans un système diversifié

Dans cette catégorie, le système de production est diversifié. L'élevage bovin laitier est pratiqué par tous les exploitants. Ces unités de production se différencient par la taille du troupeau des vaches laitiers et la manière de les conduire. Ainsi on distingue deux types.

Type II-1 - Petits éleveurs avec élevage mixte :

Ce type d'éleveurs dispose d’une faible surface fourragère 1.5 à 3 ha par exploitation pour nourrir un troupeau laitier composé de 4 unités femelles suitées et 10 à 15 têtes ovins et caprines conduites de façon très extensive.

La ration de base, composée essentiellement de la paille et du foin, couvre rarement les besoins d'entretien d'où recours très fréquent aux aliments achetés de l'extérieur (pailles, foin et concentré). Les dépenses effectuées pour l'achat de ces aliments représentent 89% des charges totales d'élevage.

Au problème d'une alimentation coûteuse et très dépendante du marché s'ajoutent d'autres difficultés en relation avec la conduite de la reproduction dont on peut citer en particulier un long intervalle vêlage-vêlage (421 jours), un faible taux de réussite à la première insémination (25%) et un fort pourcentage des vaches gestantes après 3 à 5 inséminations (un indice coïtal).

La mauvaise conduite alimentaire et surtout celle de reproduction avaient une mauvaise répercussion sur les performances et la rentabilité de l'élevage. Ainsi, le prix de revient d'un litre de lait est élevé (0.529dt) entrainant une marge bénéficiaire très faible (0.131dt /litre). Or ceci est dû pas seulement aux charges alimentaires très gonflées mais également aux frais vétérinaires et surtout ceux d'insémination qui sont beaucoup plus élevés à ceux enregistrés dans les autres types (3 à 5 inséminations/vache).

Les éleveurs dans ce type ont essayé de sécuriser leur système exploitation- famille par la diversification de sources de revenu agricole mais les mauvaises conduites des troupeaux (bovin et petits ruminants) ont entraîné beaucoup de manque à gagner. Nous pouvons citer dans ce sens le cas des vaches laitières qui ne donnent que 0.6 à 0.7 veau/vache/an au lieu de 1 veau.

Type II-2:Moyens éleveurs avec un élevage bovin laitier

Ce type regroupe les exploitations dotées d'une surface agricole utile relativement grande et des points d'eau pour l'irrigation.

Mais malgré ce potentiel, l'élevage laitier est très peu rentable. La production laitière (4620 litres/vache/lactation) est certes plus élevée à celle enregistrée dans le type précédent mais loin d'être valorisante du potentiel existant.

Les faibles performances de ce type d'élevage s'expliquent essentiellement par la mauvaise conduite de la reproduction qui se distingue nettement dans les intervalles vêlage-vêlage et vêlage- insémination fécondante qui sont respectivement de 440 et 165 jours. Elles sont beaucoup plus élevées à celles enregistrées dans le type précédent. La marge bénéficiaire (0.170dt /litre) est légèrement supérieure à celles générée dans le premier type de cette catégorie. Cette supériorité est dû à un prix de revient moins élevé (0.500dt /litre) et au prix de vente (0.670dt /litre) plus intéressant. Il faut signaler que l'élevage laitier, dans ce type, est considéré comme une activité secondaire. Tout le privilège était accordé au maraîchage et aux arbres fruitiers jugés plus rentables.

L'élevage est un lien d'accumulation du capital nécessaire pour financer le creusage des puits et l'aménagement des périmètres irrigués. Il est également source de liquidité (vente du lait) quotidienne pour l’alimentation de la trésorerie de l'exploitation (Metge, 1991).

Catégorie (CIII) :

Cette catégorie regroupe les éleveurs exerçant une activité extra-agricole. L'élevage bovin laitier constitue un lien d'accumulation et d'investissement d'un revenu extérieur relativement important. Ils sont attirés à cette activité : les avantages accordés par l'Etat au secteur laitier, la localisation géographique de la zone par rapport aux marchés et aux grands centres urbains (le grand Tunis en particulier) et la disponibilité des ressources fourragères.

Les éleveurs enquêtés dans cette catégorie représentent 36,0% de l'échantillon et détiennent 27% de l'effectif total. On y distingue deux types d'éleveurs qui se différencient par : la taille du troupeau, la surface fourragère et le mode de conduite des troupeaux.

Type III.1- Petits éleveurs avec un élevage relativement extensif

Ce type est composé de petits éleveurs dont la taille du troupeau bovin laitier ne dépassant pas les six vaches laitières par exploitation (une taille moyenne de 4 vaches) et une surface fourragère de 2.5 ha /exploitation (soit une moyenne de 0.625 ha/vache présente). Les éleveurs exercent une activité extra-agricole en dehors de l'exploitation.

L'élevage est recherché pour la valorisation des faibles ressources fourragères et surtout la main d'œuvre familiale. Il a pour objectif de diversifier les sources du revenu familial et d'alimenter la trésorerie de la famille avec des encaissements quotidiens durant une période de l'année plus ou moins longue provenant de la vente du lait.

L'élevage laitier, dans ce type, est marqué par sa faible rentabilité économique. Cette faiblesse s’explique par un coût de production relativement élevé (soit 0.482dt /litre) d'où une faible marge bénéficiaire (0.177dt /litre).A cela il fat ajouter d’autres éléments explicatifs de la mauvaise performance des troupeaux laitiers. Ils se distinguent au niveau:

- La longue durée de lactation des vaches (389 jours);

- Les grandes intervalles vêlage/vêlage et celle vêlage/insémination fécondante qui sont respectivement (449 et 177 jours). En effet, 35% des vaches ne sont fécondantes qu'après la troisième insémination d'où coût élevé et manque à gagner à la fois sur la quantité de lait produite et sur le veau.

- Le rapport lait sur concentré est faible (1.6). Cela signifie que la quantité permise par la ration est issue de la complémentation dont les composantes (concentré et son du blé) sont achetées de l'extérieur avec des prix qui ne cessent d'augmenter d'où alourdissement des charges d'alimentation qui représentent entre 65 et 80% du coût total de production.

Les possibilités d'amélioration existent. Elles résident dans la formation et l'encadrement de la main d'œuvre féminine s'occupant de la conduite de cet élevage. Elles sont également tributaires de l'intensification des ressources fourragères (Augmentation de la verdure autoproduite notamment dans les exploitations disposant de l'eau pour l'irrigation.

Type III 2 - Moyens éleveurs avec élevage intensif :

Les éleveurs, dans ce type, exercent des activités commerciales ou de services leur permettant de générer un revenu extra-agricole relativement important. Une partie de ce revenu est réinvestie dans l'élevage bovin laitier sans recours aux crédits.

Leur stratégie, basée sur l'accumulation dans un élevage laitier relativement performant a pour objectif l'augmentation et la diversification des sources de revenu total disponible afin développer plus leurs principales activités extra-agricoles.

Cette stratégie est favorisée par une surface fourragère relativement importante (6 ha soit 0.545 ha par vache présente) et la possibilité d'irrigation. Ces deux éléments étaient suffisants pour la diversité des ressources fourragères autoproduites. Les troupeaux dans ce type, sont conduits par des salariés dotés d'un savoir faire non négligeable dans le domaine de la conduite de l'élevage bovin laitier. C'est ainsi que la bonne maitrise des conduites alimentaire et de reproduction ont permis aux éleveurs, dans ce type d'avoir :

- Les meilleurs performances techniques à savoir les intervalles vêlage/vêlage et celui vêlage/insémination fécondante qui sont respectivement de 397 et 117 jours. A cela, il faut ajouter le taux de réussite à la première insémination artificielle qui est de 57% contre 42% dans le type précédent.

- Les bons résultats technico-économiques qui se distinguent au niveau de la production laitière (5449 litres/vache/lactation) et de la marge bénéficiaire (0.288 dt /litre de lait). Ces résultats sont les meilleurs de tous les types étudiés ce qui est similaire aux résultats de (Gharbi et al., 2007).

 

  1. Conclusion

Les résultats de notre travail montrent une diversité de stratégies adoptées par les éleveurs dans notre zone de l’étude. Elles reposent sur plusieurs aspects tels que: la taille du troupeau et celle de la surface fourragère, les possibilités d’irrigation, la proximité des centres d’approvisionnement en aliments de bétail et ceux de collecte du lait et la nature du système de production. Ces stratégies varient d’une catégorie d’exploitations à une autre selon le rôle confié à l’élevage laitier dans le système de production. En effet, dans les exploitations où l’élevage laitier constitue la principale activité exercée, l’objectif recherché est la stabilité du revenu agricole notamment dans les unités de production sans ressources extérieures. Pour atteindre cet objectif, deux stratégies différentes ont été adoptées dont l’une est basée sur l’amélioration de la conduite alimentaire et l’autre sur l’augmentation de l’effectif du troupeau laitier. L’élevage laitier, dans ces deux types, est jugé parmi les plus performants économiquement.

Dans la seconde catégorie, l’élevage laitier est conduit dans un système plus diversifié. En adoptant cette stratégie, les éleveurs cherchent à atteindre un double objectif: La sécurité de leur revenu et la création des emplois plus ou moins permanents pour les actifs familiaux. Les résultats économiques, enregistrés dans les exploitations de cette catégorie sont les plus faibles de tout l’échantillon enquêté. Cette faiblesse s’explique surtout par un coût de production relativement élevé.

La troisième catégorie qu’on a pu identifier et analyser est composée des éleveurs doubles actifs. L’élevage est considéré comme un lieu d’accumulation d’un revenu total disponible relativement important. Les résultats économiques varient, d’un type à un autre, du simple au double selon le rendement en lait et le coût de production.

Ces deux éléments sont tributaires pas seulement des disponibilités fourragères mais également de la technicité de l’éleveur, de l’ouvrier ou des membres de la famille qui sont chargés de la conduite du troupeau.

La présence du cheptel dans l’exploitation est certes intéressant voire indispensable mais il peut aussi avoir des conséquences négatives. En années difficiles, le manque de fourrage peut entraîner de fortes dépenses en aliments achetés, ce qui compromet le revenu agricole surtout dans les petites exploitations sans réserve fourragère et sans assise financière suffisante.

L’élevage laitier, dans ces types d’unités production marquées par les faibles surfaces fourragères notamment celles conduites en irrigué, sont donc très soumises à l’irrégularité des précipitations et très dépendantes des spéculateurs de foin et de la paille dont les prix augmentent beaucoup pendant les années de sècheresse.

Ainsi pour assurer la pérennité de ces exploitations, les interventions ne devraient se limiter à une assistance technique mais également à une meilleure organisation des éleveurs dans des associations ou des organisations professionnelles (GDA, SMSA) efficaces capables de les soutenir surtout pendant les périodes difficiles. L’Etat doit également intervenir par: ses politiques de prix des produits finis (Lait, viande), ses soutiens financiers en cas de besoins et la régulation du marché des aliments de bétail.

 

5. Références

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