- Category: Volume Spécial (Journées Scientifiques de l'INAT)
- Hits: 8641
Etude comparative des caracteristiques physicochimiques et microbiologiques de lait camelin en fonction du mode d’elevage
S. Arroum* 1
K.Zmouli 2
A.Gaddour 1
I.Fguiri 1,2
N.Ayeb 1
T.Khorchani 1
1 Laboratoire d’élevage et de faune sauvage, Institut des Régions Arides, Médenine, Tunisie
2 Institut Supérieur de Biologie Appliquée à Médenine, Tunisie
Résumé - La présente étude a pour objectif d’étudier la qualité des caractéristiques physico-chimique et microbiologique du lait camelin en fonction du mode d’élevage. Le lait a été prélevé des 20 chamelles (race Maghrebi) appartenant à 3 systèmes d’élevage (intensif, semi-intensif et extensif). L’étude comparative des caractéristiques physico-chimiques du lait a montré que le lait de la chamelle en système extensif est plus riche en matière grasse (42.87±14.53 g/), matière sèche (141,5 ±23,68 g/l), matière minérale (8,71 ±1,56 g/l) qu’en système intensif et semi-intensif. Ainsi le lait de chamelle en système extensif est plus acide par rapport à celui dans les deux autres systèmes L’étude comparative des caractéristiques microbiologiques a montré que le lait camelin en système extensif est plus chargé en flore aérobie mésophile totales (7,07±1), en levures et moisissures (6,5±1). La qualité du lait camelin est affectée par le mode d’élevage.
Mots clés : Lait de la chamelle, caractéristiques physico-chimiques, caractéristiques microbiologiques, système d’élevage.
1. Introduction
Le lait présente une nécessité dans la ration alimentaire de la population mondiale. En effet, cet aliment est indispensable pour les nourrissons, est aussi vital pour les autres tranches âges, grâce à son apport intensif en nutriments des bases (protides, lipides, glucides) et sa richesse en éléments minéraux notamment le calcium et en vitamines (Supplee et al., 1927). Dans les régions arides, le lait camelin est très valorisé par la population rurale. Actuellement, ce lait est produit dans des différents systèmes d’élevage. En effet, Le dromadaire est capable de valoriser le maigre pâturage des régions difficiles contrairement aux autres animaux laitiers. Il est aussi capable dans des conditions de sécheresse extrêmes de procurer à partir des systèmes intensif et semi-intensif de du lait très bonne qualité nutritionnelle tout au long de l’année (Jrad, 2013). Dans ce contexte, notre étude a pour objectif, est de déterminer la qualité physicochimique et microbiologique du lait camelin en fonction du mode d’élevage (intensif, semi-intensif et extensif).
2.Materiels et methodes
2.1. Animaux et alimentation
Vingt chamelles de la population Maghrebi, de poids moyen 430±15,6 kg et d’âge moyen 13±2,5 ans ont été utilisées dans cette étude. 14 chamelles ont été issues de la région Smar Tatouine, elles ont été divisé en deux mode d’élevage, 7 chamelles ont été élevé dans le système intensif dont elles ont été alimentés par le concentré, foin d’avoine et 7 autres chamelles ont été élevé dans le système extensif dans les parcours d’El Ouara et alimenté par des plantes pastorales halophytes. 6 autres chamelles ont été issues de troupeaux de l’IRA Médenine et élevées en mode semi-intensif, dont elles ont été alimentées sur parcours le matin et le soir elles ont reçu du foin d’avoine + le concentré. Les échantillons du lait des ces chamelles au début de stade de lactation des différents systèmes d’élevages ont été collectés le matin une fois par semaine au mois du Mars et Avril 2014. Les échantillons ont été conservé dans des glacières jusqu’au leur transport au laboratoire. Quelques analyses ont été réalisées sur le lait frais juste après son arrivage au laboratoire. Pour les analyses microbiologiques est faite sur des dilutions en cassecades.
2.2. Détermination des caractéristiques physicochimiques du lait camelin
La valeur du pH a été déterminée à la température ambiante (20°C) à l’aide d’un pH-mètre Thermo Orion. L’acidité titrable, exprimée en Degré Dornic (°D), a été déterminée selon les méthodes normalisées par une titration de NaOH N/9 en présence de phénol phtaléine (AFNOR, 1993). La teneur en matières sèches d’un échantillon est calculée après pesées de l’échantillon humide à100±1°C pendant 24 h de son résidu sec. Les teneurs en matières grasses du lait sont déterminées par la méthode Neusal (référence). Cette méthode repose sur la lecture directe sur un butyromètre de la quantité de matière grasse contenue dans 9,7 ml d’échantillon après dissolution des protéines par 12 ml de solution Neusal . La lecture directe des graduations du butyromètre détermine la quantité de matière grasse en g/l. Les teneurs en protéine du lait ont été déterminées par la méthode de Bradford à l’aide de spectrométrie (référence). A une longueur d’onde (λ=595 nm), on mesure la teneur en protéine en g/l (AFNOR, 1993).
2.3. Détermination de la qualité microbiologique du lait camelin
2.3.1. La flore mésophile aérobie totale (FMAT)
Un millilitre de chaque dilution est mis en culture en profondeur dans une boîte de Pétri stérile, on lui ajoute une quantité suffisante du milieu de culture (Plate Count Agar). Les boites renversées ont été incubées à 30 °C pendant 72 h (F.I.L. norme 100, 1981).
2.3.2. Dénombrement des levures et moisissures
Pour le dénombrement des levures et moisissures, on utilise le milieu Sabouraud. L’ensemencement est réalisé en surface pour une incubation variant de 4 à 5 j à 25°C (référence).
2.3.3. Dénombrement des bactéries lactiques
Le milieu utilisé pour le comptage des bactéries lactiques est le milieu de Man Rogosa et Sharpe. L'ensemencement se fait en surface et à une incubation à 30°C durant 72h.
2.4. Analyse statistique
Le traitement statistique des données a été effectué en utilisant le logiciel SPSS (11.5). Les résultats de la composition chimique ont été soumis à analyse de la variance (α = 0,05) à un seul facteur à 3 niveaux (effets de système d’élevage). La différence entre les moyennes a été déterminée avec le test Duncan (P <0,05).
3. Resultat et discussion
3.1. Etude comparative des caractéristiques physicochimiques et microbiologiques du lait de la chamelle en fonction du mode d’élevage
3.1.1. Etude comparative des paramètres physicochimiques
Les résultats de l’analyse des paramètres physicochimiques du lait des chamelles de trois modes d’élevage sont représentés dans le tableau 1.
Tableau 1 : Effet de mode d’élevage sur la composition physico-chimique du lait de la chamelle |
|||||||
|
Intensif |
Semi-intensif |
Extensif |
||||
|
pH |
6,64±0,05 a |
6,31±0,15b |
6,59±0,2a |
|||
|
Acidité (°D) |
15,19±2,39 b |
18,45±1,68a |
18,64±3,51a |
|||
|
MG (g/l) |
25,00 ±5,6 b |
32,66±7,47ab |
42,87±14,5a |
|||
|
MS (g/l) |
109,17±7,35 ab |
100,77±54,73b |
141,5±23,68a |
|||
|
MM (g/l) |
7,75±0,3 a |
8,97±4,74a |
8,71±1,56a |
|||
|
MAT (g/l) |
29,20±3,35 a |
19,93±4,55b |
15,53±6,18b |
MG : matière grasse, MS, matière sèche, MM, matière minérale, MAT, matière azotée totale
a, b : les Moyennes sur la même ligne portant des lettres différentes sont significativement différentes (P<0,05)
Le pH du lait a été affecté par le mode d’élevage. Il est de 6,31±0,15 dans le lait des chamelles dans le système semi- intensif. L’acidité a été plus faible dans le lait des chamelles élevées en système intensif par comparaison au deux autres laits qui sont plus acide (18, 45 et 18,64 °D, respectivement en système semi-intensif et le système extensif). Ces résultats ont été proches à ceux (17,2 °D) rapportés par Sboui et al., (2009) dans le lait des chamelles élevées en système semi-intensif.
La teneur en MG a été plus élevée (42,87 g/l) dans le lait des chamelles élevée en système extensif par comparaison aux deux autres laits (32,66 et 25,00 g/l respectivement pour les laits de mode semi-intensif et mode intensif). Ainsi, la matière sèche du lait a été plus élevée dans le lait de mode extensif. Ceci est expliqué peut être par la teneur élevée de la matière sèche des aliments ingérés par les chamelles dans le système extensif. Sanz Sampelayo et al., (2007) ont indiqué que la matière grasse contenue dans l’aliment affecte la quantité et la composition de la matière grasse du lait. Morand-Fehr et al., (2007) ont montré que la teneur en matières grasses dans le lait est non seulement liée à la teneur en fibres de l'alimentation, mais également à l'apport énergétique. Ces résultats sont nettement supérieurs à ceux (86,4g/l) signalé par Warda (1989). La teneur en matière minérale a été similaire dans le lait des trois systèmes d’élevage. Cette teneur est proche à celle (9,39 g/l) enregistrée par Boudjenah (2012).Cette teneur peut être liée à l’ingestion des chamelles d’espèces végétales halophytes dont le contenu de la cendre peut atteindre 30% de la matière sèche dans certaines saisons (khorchani, 1995).
La teneur en protéine a été plus élevée dans le lait des chamelles élevées en système intensif par comparaison aux deux autres laits. Cette teneur élevée est due à la richesse en protéines des aliments ingérés. Ces valeurs sont proches à ceux (28,25±0,54g/l) rapporté par Chethouna (2011).
3.1.2. Etude comparative de la qualité microbiologique du lait de la chamelle en fonction du mode d’élevage
Les résultats de l’analyse des paramètres microbiologiques des différents échantillons du lait de la chamelle sont représentés dans le tableau 3.
Tableau 2. Effet du mode d’élevage sur les paramètres microbiologiques du lait de chamelle |
|||
Système d’élevage |
Intensif |
Semi-intensif |
Extensif |
FMAT (UFC/ml) |
4,24±1,27b |
5,6±0,36ab |
7,07±1a |
BL (UFC/ml) |
4,21±0,7a |
4,93±0,88a |
5±0,25b |
LM (UFC/ml) |
5,67±0,32a |
0 b |
6,5±1a |
FAMT, Flore Aérobie Mésophile Totale; Bactérie Lactique;Levure et Moisissure,
a, b : les Moyennes sur la même ligne portant des lettres différentes sont significativement différentes (P<0,05)
Le système d’élevage a affecté les caractéristiques microbiologiques (FMAT, bactéries lactiques et levures et moisissures) du lait. Le lait du système extensif est plus chargé en FMAT (7,07±1 UFC/ml) et en levure et moisissures (6,5±1 UFC/ml). Au contraire, le lait de chamelle élevée en système semi-intensif est plus chargé en bactéries lactiques (4,93±0,88 UFC/ml). Ces résultats sont en accord avec ceux trouvés par Jrad (2013) qui a rapporté que la fermentation spontanée du lait de la chamelle est très lente à cause de son activité antibiotique. En effet, la faible charge polluante observée dans le lait de la chamelle en intensif et en semi-intensif peut être expliquée par le ralentissement de développement microbien qui est due à la présence de composantes protéiques à activité antibactérienne qui va entraver la prolifération bactérienne et qui inhibe l’acidification lactique par voie fermentaire. La présence des bactéries lactiques dans le lait de chamelle était prévisible parce que les bactéries lactiques ont été trouvées dans la microflore de tous les laits étudié quelle que soit l’origine de ces laits (camelins, ovins, bovins, caprins…) Fguiri et al. (2015)
4. Conclusion
Ce travail nous a permis de mieux connaitre la caractérisation physico-chimiques et microbiologiques du lait de la chamelle en fonction du mode d’élevage (intensif, semi-intensif et extensif) au début de stade de lactation à différents systèmes d’élevage. Il en découle que le lait de la chamelle en système extensif est plus acide et plus riche en matières grasse, sèche et en cendres par rapport à ceux des deux autres systèmes. Cependant, en système intensif, il est plus riche en matière protéique et de meilleure qualité microbiologique.
5. Références bibliographiques
Boudjenah-Haroun Saliha (2012).Aptitudes à la transformation du lait de chamelle en produits dérivés; effet des enzymes coagulantes extraites de caillettes de dromadaires. Revue des BioRessources, 3 (1), 58-67
Chethouna F. (2011). Etude des caractéristiques physico-chimiques, biochimiques et la qualité microbiologiques du lait camelin pasteurisé, en comparaison avec le lait camelin cru. Mémoire de Master, université de Kasdi Merbah de Ouargla, 134 p.
Fguiri Imen.(2015) Selection of Lactic Acid Bacteria Isolated from Camel Milk According to Production and Technological Criteria, JCBPS; Section B; Feb.2015–Apr.2015, Vol. 5, No. 2; 1660-1671.
Khorchani, T. (1995): Ingestion sur parcours et pouvoir tampon dans le rumen des dromadaires (Camelus dromedaries) .Thèse de doctorat, Université de Gent, Belgique, 190 p.
Kouniba A (2002).Caractérisation et valorisation du lait de chamelle (tableau et figure) ?.Institut agronomique et vétérinaire HASSANI II Rabat, Maroc
Jrad Z., El Hatmi H., Fguiri I., Arroum S., Assadi M., Khorchani T.(2013). African Journal of Microbiology Research Vol. 7(12), pp. 1002-1008.
Sanz Sampelayoa, M.R., Chilliard Y., Schmidelyc Ph., Bozaa. J. (2007). Influence of type of diet on the fat constituents of goat and sheep milk Small Ruminant Research, 68, 42-63.
Sboui A., T.Khorchani., Djegham M.,Belhadj O., (2009) Comparaison de la composition physicochimique du lait camelin et bovin du Sud tunisien; variation du pH et de l’acidité à différentes températures Afrique SCIENCE 05(2) 293 - 304
Shynar A (2012) Impact de la pollution sur la qualité du lait de chamelle au Kazakhstan THÈSE Sciences des Procédés, Sciences des Aliments Présentée
Supplee G. C., Odessa D., Dow, J. W. Nelson. (1927). Richesse en vitamines du lait liquide et du lait sec. Le Lait, 7 (61), pp.12-26.
Warda M.F. (1989).Arabian camels: origin, breeds and Husbandry, Al Mallah Pub. Damascus, Syria.500p. Les Filières Lait en Méditerranée: Enjeux pour un Futur Durable: Proceedings of the joint EAAP - CIHEAM - FAO Symposium on Prospects for a Sustainable Dairy Sector in the Mediterranean.